Emma Valladon naît en 1837, à La Bazoche-Gouet (Eure-et-Loir), fille d’un musicien de guinguette. Elle apprend avec son père toutes les rengaines à la mode. Elle rêve de devenir chanteuse, et en attendant son heure, se fait renvoyer des divers ateliers de confection dans lesquels elle travaille. Elle finit par obtenir des petits tours de chant dans divers établissements (théâtre de la Porte-St-Martin, Café Moka, Café des Géants…) où elle n’obtient aucun succès.
Puis elle décide de donner un nouveau tour à sa carrière : elle abandonne son nom, devient « Theresa », et entame une carrière de tyrolienniste à l’Alcazar : le genre, qui consiste à faire varier en hauteur et moduler une mélodie en passant de la voix de normale en voix de tête (Jodel), est à la mode. Son succès est immédiat, et les critiques sont conquis : en moins d’un mois tout Paris accourt pour voir et entendre ce phénomène drolatique.
L’Eldorado et l’Alcazar se battent pour l’avoir sur scène, la princesse de Metternich se déplace pour venir l’entendre… Elle est finalement invitée à la cour pour débiter son répertoire devant l’empereur. Elle gagne alors très bien sa vie. On l’appelle «l’Alboni de la canaille». Degas la peint. Peu à peu, elle réussit à imposer son style, des chansons dont les titres sont tout un programme.
Les paroles sont à l’avenant (La chanson du bébé, 1861) :
«Maman, le gros Bébé t’appelle, il a bobo, Tu dis que je suis beau, quand je veux bien faire dodo. Je veux de confitures, c’est du bon nanan. Les groseilles sont mûres, donne-m’en, j’en veux, maman, Je veux du bon nanan, j’ai du bobo, maman. Atchi ! Papa, maman, caca.»
En 1867, elle perd sa voix et doit quitter la scène : elle revient en 1869 avec ce qui restera son plus grand succès : «les Canards tyroliens».
En 1870, on la convoque à la Gaîté pour chanter la Marseillaise. Offenbach l’invite pour la création d’une pièce bouffe destinée à ridiculiser les Prussiens, dans laquelle elle aurait joué le rôle d’un kaiser grotesque. Là encore, le répertoire est subtil :
«O Vaterland ! Sigmaringen, Osnabruck, Baden-Baden, Hohenzollern, Hohenloh ! Zwei Bock-bier, Kirschwasser, Offenbach, Choucroutausen, Saucissonausen, Cervelag ! Laï-tou… ».
La chute de l’empire met un terme au projet : dommage ! La guerre puis la Commune font évoluer son registre vers un tour plus réaliste. En 1884, elle interprète «la Glu», chanson de Richepin que reprennent plus tard Yvette Guilbert et Polaire. Elle décide, en 1893, de prendre sa retraite : elle fait sa représentation d’adieu à la Gaîté.
Néanmoins, en 1894, elle remonte pour une soirée sur les planches du Chat Noir. Puis, en 1895, elle se retire dans la Sarthe où elle meurt en 1913. Elle repose avec son fils adoptif, François Frédéric Poëy-Valladon (1875-1918), soldat mort pour la France.
On ne possède pas d’enregistrement de sa voix, mais son répertoire est reprit, avec plus ou moins de bonheur, par de nombreuses chanteuses appelées «Prima gueula».
Chansons :
- C’est dans le nez que ça me chatouille ;
- La déesse du Bœuf gras ;
- C’est un bel homme, écrite par Hippolyte Bedeau (1824-1878) ;
- Rien n’est sacré pour un sapeur…
Sources : -. Date de création : 2005-09-14.