Parmi toutes les femmes reposant au Père Lachaise, la comtesse Yulia Samoïlova, bien que moins connue du grand public, occupe une place importante. D’un caractère en avance sur son époque et d’un comportement que ne désavoueraient pas nos féministes du XXIe siècle, elle représente la liberté et la facilité d’esprit faites femmes (Régis Dufour Forrestier).
Yulia Pavlovna voit le jour en 1803. Comtesse, fille du général Pahlen et de Maria Skavronskaia, elle est célèbre pour ses relations avec le peintre Karl Brullov. Samoïlova est une des femmes les plus riches de l’Empire Russe et appartient aux familles les plus célèbres d’Europe : Von der Pahlen, Skavronski, Potemkin-Engelgart, Litta, Viskonti.
La mère de Yulia est la belle-fille d’un homme d’état, Gulio (Yulii Pompeevitch) Litta. Litta a partagé son immense capital et ses collections de tableaux entre Yulia et ses deux enfants illégitimes. Samoïlova porte le surnom de « dernière des Skavronski » puisqu’elle a hérité de toute la fortune de son grand-père. Maria Skavronskaia, mère de Samoïlova, possède une grande fortune. Elle appartient à la famille de Skavronski (famille de Catherine Ière, femme de Pierre Ier) dont elle est la dernière représentante du nom.
Après la naissance de sa fille, elle laisse son enfant alors âgée cinq ans et part à Paris pour apprendre la musique et le chant. Puis Maria divorce avec Pahlen et se remarie avec le général Ojarovskii.
Quand Yulia a 25 ans, elle se marie avec Nikolaï Alexandrovitch Samoïlov qui est l’aide-de-camp de l’empereur. A cause de la passion du comte pour les jeux et les dépenses inconsidérées, le mariage ne dure pas très longtemps.
En 1827, ils divorcent en accord commun et Samoïlov rend la dote. Yulia revient auprès de son père mais garde des relations amicales avec son mari. La comtesse s’installe dans son domaine de Grafskaia Slavianka à côté de Pétersbourg, dans une maison magnifique. Celle ci a été construite par l’architecte Alexandre Pavlovitch Brullov. Plus tard, celui-ci construit aussi un palais pour elle sur l’île d’Elagine.
La comtesse affiche un comportement très indépendant. Dans sa maison elle réunit un cercle de personnages instruits, ce qui ne plait pas beaucoup au tzar Nicolas Ier. La comtesse déménage d’abord à Pétersbourg puis en Italie où elle se lie d’amitié avec Gioacchino Rossini et Gaetano Donizetti et offre sa protection aux peintres et musiciens. Elle participe beaucoup à la vie culturelle du pays.
On pense que c’est elle qui a payé l’échec de l’opéra de Vincenzo Bellini Norma et le succès de celui de Puccini, Le Corsaire. Elle rencontre le frère de son architecte, le peintre Karl Brullov, à Rome, dans le célèbre salon de Zinaida Volkonskaia. Le début de leurs relations date de 1827. En été, ils voyagent ensemble en Italie et se promènent dans les ruines de Pompéi.
C’est à ce moment-là que Karl a l’idée de son célèbre tableau «Dernier jour de Pompéi». A la fin de l’année 1835, suite à la recommandation de Nicolas Ier, Karl Brullov rentre en Russie. Il obtient le poste de professeur à l’académie des Beaux-Arts à Saint-Pétersbourg où il commence son enseignement. En 1839 Karl se marie, mais son mariage ne dure que deux mois.
En 1839, la comtesse retourne de nouveau à Pétersbourg. Là, elle offre sa protection à Karl Brullov, la société n’étant pas satisfaite de son divorce. Le peintre passe beaucoup de temps dans la villa de la comtesse Samoïlova en Lombardie. La comtesse possède aussi le Château de Groussay (France), un palais à Milan et un palais sur le lac de Côme. Il y a beaucoup de lettres qui nous sont parvenues et qui témoignent de leurs relations.
La comtesse a deux filles adoptives : la cadette Amazilia (née en 1828) et l’aînée Giovaninna Paccini, enfants du compositeur Giovanni Paccini. Celui-ci écrit l’opéra Dernier jour de Pompéi, dont Brullov est très impressionné. On pense que la comtesse est une des maîtresses du compositeur, ainsi que Pauline Borghese, sœur de Napoléon.
La date à laquelle Samoïlova adopte Amazilia n’est pas définie mais, d’après le tableau «L‘amazone», peint en 1832, la petite fille a 4 ans. Les documents témoignent que le compositeur, en effet, n’a qu’une fille. Il existe une autre version : le vrai nom de deuxième fille de Giovanina serait Carmine Bertolotti et elle serait une fille illégitime de Clémentine Perry, la sœur du deuxième mari de Samoïlova.
En 1845, elle prend la décision de se séparer de Brullov. En 1846, elle se marie avec le ténor Pierre Antonin Perry. Elle perd alors la citoyenneté Russe pour la française, vend le domaine de Grafskaya Slavianka et vend, de même, le reste du patrimoine. Pierre Antonin Perry, d’une beauté exceptionnelle d’après ses contemporains, meurt un an après le mariage de la tuberculose en 1847.
Un an après la mort de Perry, le premier mari de Yulia Pavlovna meurt aussi. Elle portera le deuil longtemps pour ses deux maris. Les témoins qui la voient alors disent que son deuil lui va très bien et qu’elle l’utilise avec originalité. Sur la longue queue de sa robe de veuve, Yulia Samoïlova met les enfants et les promène sur les parquets de ses palais, par exemple.
Son troisième mariage, avec le comte de Mornay, diplomate, est célébré en 1863. Mais le comte quitta sa femme assez âgée un an après le mariage, expliquant le divorce par l’incompatibilité des caractères. A la fin de sa vie Yulia Samoïlova perd presque toute sa fortune. Ses filles adoptives lui font procès sur procès. Elle meurt à Paris, le 14 mars 1875.
Elle repose avec son deuxième mari, Pierre Antonin Perry (1815-1847), médecin et ténor. Dans le tableau de Karl Brullov «Dernier jour de Pompéi» elle est présente 3 fois : tenant une carafe à côté du peintre ; tombée par terre et en mère, serrant des filles. Il reste encore deux portraits de la comtesse, dessinés par Brullov, et un autre par Petre Basin. Le poète Pouchkine lui consacre un poème.
Merci à Sergey Diakonov et à Gian Luca Granziera pour leur aide dans la réalisation de cette notice.
Sources : Wikipedia. Date de création : 2009-05-16.