RUFF Charles, dit LUSSY (1883-1967)
France

photo anonyme dans Assemblée Nationale, Notices et portraits, 1936 - Source Le Maitron

Charles Ruff nait dans une famille de juifs alsaciens ayant choisis la France en 1871. Son père, Michel Ruff, est libraire à Alger (Algérie, alors française) et sa librairie sert de rendez-vous littéraire et politique de la ville. Sa mère, Burna Dreyfus, est directrice d’école et s’occupe de nombreuses œuvres sociales.

Il fait ses études au lycée d’Alger jusqu’au baccalauréat. Employé des PTT, il adhère à la SFIO en 1900, puis il se syndique en 1903. En 1908, il devient secrétaire de la section socialiste d’Alger et, en 1909-1910, de la Fédération socialiste d’Algérie Tunisie qu’il contribue à constituer. Ces activités lui valent d’être déplacé. Il commence à écrire dans la presse socialiste sous le pseudonyme de Charles Lussy.

En 1911, il vient en métropole et commence une carrière de journaliste. Installé à Nîmes (Gard), c’est, jusqu’en 1914, le rédacteur en chef du journal socialiste Le Populaire du Midi. Il se présente aux élections législatives du 24 avril 1914 à Carpentras (Vaucluse) pour le Parti Socialiste Unifié. Il obtient 1 460 voix sur 10 431 votants, puis se retire, au second tour, en faveur du radical socialiste Guichard.

Démobilisé, fin 1918, il reprend ses activités de journaliste. Il adhère au syndicat des journalistes et s’installe à Paris. Devenu rédacteur à L’Humanité, il en dirige les services d’information sociale puis d’information politique. Par ailleurs, il exerce aussi comme critique d’art dans diverses revues de province.

Aux élections législatives du 16 novembre 1919, il est candidat en deuxième position, sur la liste SFIO du Vaucluse, derrière Alexandre Blanc. Ce dernier est seul élu.

Un an plus tard, le 16 novembre 1920, il épouse à Paris, Marcelle Lévy Ben Dano, née à Alger le 19 novembre 1888. Ils n’auront pas d’enfants.

Délégué de la Fédération du Vaucluse au congrès de Strasbourg en février 1920, puis au Congrès de Tours en décembre, il suit par discipline, vers le Parti Communiste Français, la majorité de sa fédération. De plus, c’est toujours le chef du service politique de L’Humanité jusqu’en 1921. Au PCF, il fait partie de ceux qui prônent une certaine indépendance à l’égard de Moscou.

Au congrès de Paris, des 15-18 décembre 1922, il proteste contre l’exclusion d’Henri Sellier. Un mois plus tard, L’Humanité du 18 janvier 1923 annonce l’exclusion par le comité directeur des 86 signataires de la déclaration du Comité de défense communiste. En effet, ceux ci s’opposaient aux décisions du IVe Congrès de l’Internationale communiste (5 novembre-5 décembre 1922).

Exclu, il fonde donc avec Frossard, une Union Socialiste Communiste, en avril 1923. De 1923 à 1934, il dirige le service politique du journal Le soir à Paris, en assumant bientôt la fonction de rédacteur en chef. Puis il est candidat du cartel des gauches aux élections législatives de mai 1924 en Seine-et-Oise. Par ailleurs, le 14 octobre 1926, il est initié à la Loge maçonnique « L’Internationale ».

Le congrès fédéral SFIO de la Creuse, le 22 janvier 1928, le désigne comme candidat socialiste dans la circonscription. Aux élections, le 22 avril 1928, il obtient 4 263 voix sur 19 638 inscrits. Au deuxième tour, il progresse, notamment au détriment du candidat communiste et obtient 5 673 voix mais n’est pas élu.

Le congrès de la fédération socialiste du Vaucluse, en mars 1931, le désigne comme candidat SFIO dans la circonscription d’Apt pour les élections du 1er mai 1932. Il obtient 3 715 voix sur 9 057 votants au premier tour, faisant progresser la SFIO de mille voix par rapport à 1928. Au second tour, le radical Roumagoux, le bat de 13 voix !

Il assiste au Congrès de la SFIO du 29 juillet 1934. A nouveau candidat dans la circonscription d’Apt, le 26 avril 1936, arrivé en tête au premier tour, il se fait élire au second tour, avec 6 644 voix sur 8 861 suffrages exprimés.

À l’Assemblée, il fait partie de la commission des douanes et des conventions commerciales, de la commission de la législature civile et criminelle et de la commission des PTT. Il intervient notamment pour réclamer la suppression du scrutin d’arrondissement et la représentation proportionnelle. Il intervient aussi sur le régime de la presse et les conflits collectifs du travail.

Après son élection, il accompagne les personnalités du parti dans leurs tournées : Léo Lagrange, en juillet 1936, Jules Moch, en juin, et Georges Monnet, en juillet 1938. Au Congrès de Marseille et de Royan en 1937 et 1938, il représente le Vaucluse. Elu conseiller municipal de Pertuis, le 22 mai 1938, il devient maire le 29.

Avec l’éclatement du Front Populaire, il est désormais à l’aile gauche du parti. Dans un article du Réveil socialiste, le 1er décembre 1938, il critique la répression de la grève du 30 novembre et écrive à propos d’Edouard Daladier :

« Sa victoire du 30 novembre vaut à peu prés sa “victoire” de Munich. »

Le 10 juillet 1940, présent à Vichy, il s’abstient volontairement lors du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Très rapidement, il est actif dans la Résistance, contribuant à réorganiser la Fédération socialiste avec Geoffroy, maire d’Apt. Toute l’année 1941, il se rend chaque mois à Vichy pour la réunion du Groupe Parlementaire socialiste clandestin. De plus, jusqu’à son arrestation en septembre 1942, il va chaque jeudi à Marseille prendre contact avec des membres de la Résistance.

Déchu par Vichy de son mandat parlementaire, on l’envoie en résidence surveillé dans l’Ardèche, en septembre 1942. On l’interne ensuite à Évaux (Creuse), en mars 1943. C’est là qu’il apprend, par Le Populaire (clandestin) de décembre 1943, que « tous les parlementaires n’ayant pas voté contre le gouvernement Laval-Pétain sont considérés définitivement comme hors du parti ».

Cette décision le touche profondément. Le 22 janvier 1944, il écrit à Daniel Mayer de sa prison :

« Comment n’avez-vous pas senti que votre texte, pris au pied de la lettre, n’admet, pour l’instant, dans le parti que ceux-là seul qui ont voté contre et confond, par conséquent, dans la même excommunication majeure Pierre Viénot qui est à Londres, André Le Troquer qui est à Alger, Jean Lebas qui est dans les prisons allemandes, Charles Lussy qui est dans les prisons françaises ». Il signe cette lettre « Prisonnier d’État (le seul titre désormais que l’on ne puisse me contester) ».

La réponse, datée du 4 mars 1944, non signée, mais sans doute rédigée par Daniel Mayer, indique que ses arguments « ont été accueillis avec émotion par de nombreux camarades (…) Il est incontestable qu’il y a d’ores et déjà en ta faveur un courant sentimental extrêmement puissant dans le parti et que, s’il n’y avait pas d’abstentionnistes notoires avec qui tu as mêlé ton vote, tu serais incontestablement réintégré dès maintenant, étant donné ton attitude prise immédiatement après l’armistice ». Il reste en détention jusqu’à son évasion en juin 1944 et gagne un maquis voisin dans lequel il demeurera jusqu’à la Libération.

A l’unanimité, le Congrès fédéral du Vaucluse du 22 octobre 1944 le réintègre dans la SFIO. Il redevient secrétaire général du Populaire. C’est aussi le candidat de la SFIO pour les élections municipales de 1945. Il se fait élire conseiller municipal, puis maire. Réélu le 19 octobre 1947, il restera maire jusqu’au 3 mai 1953.

Élu député à la Constituante, il se fait régulièrement réélire jusqu’en 1956. Il siège jusqu’en septembre 1958, jouant un rôle essentiel dans le groupe socialiste. C’est le vice-président de la commission “presse, radio et cinéma”. Il est, aussi, président du groupe socialiste, de novembre 1946 au 22 février 1955. En 1953 il prend position contre l’investiture de Pierre Mendès-France. Mais il apporte, un an plus tard, le soutien du groupe socialiste au “Président du conseil de la paix”.

A partir de 1952, c’est un des opposants déterminés au projet de Communauté Européenne de Défense (CED). Il contribue à faire rejeter ce projet le 30 août 1954. Mais, sa position de président indiscipliné devenue inconfortable. Il annonce donc qu’il renonce à se représenter, dans une lettre du 4 janvier 1955.

Il devient vite critique de la politique algérienne du gouvernement de Guy Mollet et de ses successeurs. Au congrès de Toulouse (juillet 1957) il soutient les positions de Gaston Defferre, puis se rapproche de la minorité Depreux-Mayer. Il présente régulièrement les textes défendus en commun par ces deux minorités. En mars 1958, il signe la motion de protestation contre la décision d’interdire l’organe minoritaire Tribune Socialiste, puis collabore à ce journal à partir du mois suivant.

Le 1er juin 1958, il vote contre l’investiture du Général de Gaulle. Il prend nettement position contre le référendum, considérant qu’il mène « vers une République monarchique !… » Cependant, il ne vote que deux motions de la minorité au congrès d’Issy-les-Moulineaux de septembre 1958, sur le référendum et la réforme électorale, ne s’associant pas à la motion sur l’Algérie.

C’est l’un des signataires de la déclaration Depreux au congrès du 13 septembre 1958. Mais il ne rejoindra le nouveau Parti Socialiste Autonome (PSA) que le 27 septembre 1958. Responsable fédéral du Vaucluse, il participe à la délégation du parti qui se rend en URSS en 1959. C’est l’un des 25 membres du PSA désigné par le congrès du 1er avril 1960, comme membre du premier Comité politique national du Parti Socialiste Unifié (PSU).

La guerre d’Algérie prenant fin, les divergences apparaissent au PSU. Il essaie alors de constituer une tendance dans ce parti. Mais sa minorité est battue au congrès de 1963, et il quitte le PSU. Il fonde alors avec Claude Willard, le bulletin Pour une République démocratique, laïque et socialiste.

Enfin, il réintègre la SFIO, parrainé par Guy Mollet, peu de temps avant sa mort, le 17 octobre 1967, à Paris (19ème). Il repose avec son neveu, Jacques Michel Ruff (1916-1944), résistant mort à la Libération de Paris.

Distinctions : médaille militaire ; croix de guerre 1914-1918.

Sources : LUSSY Charles – Maitron ; Geneanet. Date de création : 2024-07-22.

Monument

Inscriptions :

Jacques Michel RUFF, mort pour la France, le 25 aout 1944 à l’âge de 27 ans, en combattant, pour la libération de Paris.
Charles LUSSY RUFF, ancien député, 1883-1967.

Photos


Date de la dernière mise à jour : 23 août 2024