Agricol Perdiguier voit le jour le 3 décembre 1805, à Morières-Lès-Avignon (Vaucluse), d’un père menuisier et d’une mère couturière. Il a huit frères et sœurs, il est le septième. Son père outre sa menuiserie possédait des terres et des vignes et faisait travailler ses enfants.
En 1789, son père s’enrôle parmi les volontaires d’Avignon, et part pour l’armée d’Italie avec le grade de capitaine. En matière d’éducation, l’instruction est des plus négligées : un franc pour apprendre seulement à lire, un franc cinquante pour la lecture et l’écriture. La mère paye pour les filles, le père pour les garçons.
Son père doit le forcer pour aller à l’école. Il apprend le français par le latin, sans qu’on l’oblige à prononcer correctement. Il fréquente 2 ou 3 ans l’école, et sait lire, écrire, calculer, mais d’une manière fort incomplète, il faut travailler. Son premier travail est de ramasser du crottin et du fumier, son père le paye ce qui lui permet de s’acheter des vêtements.
Lorsqu’il a 13 ou 14 ans son père lui dit « tu seras menuisier », « il est le maître, je me soumis». Au moment des Cents jours, il joue au soldat avec passion, il avait porté des épaulettes d’un capitaine patriote. (Il n’avait pas dix ans). Au retour des Bourbons, son père fuit la terreur blanche et se cache. On l’arrête en 1815 et on l’emprisonne.
Puis on le libère contre la somme de deux mille francs. Agricol est persécuté pour son attitude pendant les Cent jours. En 1822, il a 16 ans et trois mois, il part alors travailler chez un ami de son père, menuisier à Avignon et ce, pendant un an. En quittant ce dernier, il va chez Monsieur Poussin autre ami de son père.
Son premier patron occupait des «dévoirants», compagnons menuisiers du «Devoir», enfants de Maître Jacques, le second, des Gavots, compagnons menuisiers du «Devoir de Liberté», enfants de Salomon. Ses derniers lui conseillent de se faire embaucher et de devenir membre de la Société.
Monsieur Ponson, autre ami de son père qui va le pousser à faire son «Tour de France», l’embauche en 1823. Il commence alors à apprendre le dessin. Il s’affilie le premier dimanche du mois suivant. Le 20 avril 1820, il commence son Tour de France en partant d’Avignon à Marseille.
Il est enfin reçu compagnon le jour de la Toussaint à Montpellier sous le nom «d’Avignonnais-la-vertu». Le voilà possesseur d’une canne ouvragée et de rubans bleu et blanc qu’il doit attacher à sa boutonnière. Il est élu compagnon fini à Chartres, puis premier compagnon à Lyon à Noël 1827, donc responsable des Compagnons dans cette ville.
Le 17 août 1828 sortant de sa charge, il quitte Lyon après onze mois, pour Avignon. Il arrive à Morières après quatre ans et demi de voyage soit le 24 août 1828, il a alors vingt-deux ans et neuf mois, Tour de France terminé. Il remercie la société peu de temps après.
Pendant son Tour de France, Agricol en profite pour s’instruire en lisant les grands auteurs antiques et classiques, ainsi que la personnalité et les mœurs des habitants des villes traversées. Il lutte pour le rapprochement des différentes sociétés du compagnonnage qu’opposent parfois des luttes âpres et sanglantes (voir le célèbre feuilleton télé «Ardéchois cœur fidèle», avec le regretté Sylvain Joubert) ainsi que pour l’amélioration intellectuelle et morale des compagnons en particulier, de la classe ouvrière en général.
En 1839, il publie Le livre du compagnonnage, cela lui vaut bien des inimitiés de centaines de compagnons. Le 29 avril 1848, il se fait élire représentant du peuple dans le Vaucluse et la Seine, il choisit la Seine. Il siège à la montagne et le 8 septembre 48 prononce un discours contre les 12 heures de travail, le 13 mars 49, il se fait réélire à l’Assemblée législative.
Le 2 décembre 1851, après le coup d’état du prince président, on l’arrête avec de nombreux députés. On l’appréhende à son domicile et on le dirige au grand dépôt de la préfecture en bonne compagnie, Edgar Quinet, Victor Hugo, Louis Blanc et Lamennais. Le 9 janvier 1852, on l’expulse par décret. Il finit par rejoindre la Suisse ou il écrit Les Mémoires d’un compagnon.
En 1856, il revient à Paris jusqu’en 1863 ou il part à Avignon et commence son troisième tour de France. Il arrive le 16 août à Morières. En 1871, pendant la défense de Paris, il devient adjoint au maire du 12ème arrondissement. En 1874, le jour de la Toussaint, il assiste à la fête patronale des compagnons tailleurs de pierres de Liberté.
La tourmente passée, Agricol Perdiguier vieillit et fait maintenant figure de Père du Compagnonnage. Le 26 mars 1875, il meurt d’une congestion cérébrale, à Paris, dans un état proche de la misère. Les compagnons ont conservé son culte et viennent se recueillir sur la tombe surmontée d’une ruche le jour de la Toussaint, sortant leurs insignes, cannes et couleurs.
Sources : Perdiguier (Agricol) Les mémoires d’un compagnon, 1853. Date de création : 2005-11-08.