Mathilde de Morny voit le jour le 26 mai 1863. C’est la dernière fille du duc de Morny, le frère utérin de Napoléon III, et de son épouse la princesse Sophie Troubetskoy (1838-1896), probable fille naturelle du tsar Nicolas Ier. Sa conduite extravagante en fait une célébrité de la Belle Époque et malgré son mariage, en 1881, avec Jacques Godart, 6ème marquis de Belbeuf – dont elle divorce en 1903 – elle affiche ouvertement sa préférence sexuelle pour les femmes.
Curieusement, à cette époque où les amours féminines sont à la mode, on l’attaque avec acharnement, surtout en raison de son attitude très virile. En effet, elle porte le pantalon, tout comme la peintre Rosa Bonheur. Mais, à cette époque, cela n’est permis pour une femme qu’après l’autorisation d’un préfet ! Grâce à sa personnalité et sa fortune, Mathilde de Morny entretient de nombreuses femmes à Paris, y compris l’autrice Colette et Liane de Pougy.
« Missy », comme on la surnomme, achète pour Colette le manoir de Rozven, en Bretagne. Toutes deux séjournent aussi, à partir de l’été 1906, au Crotoy dans la villa Belle Plage. Colette y rédige Les vrilles de la vigne et La vagabonde. Le 3 janvier 1907, elle se présente avec Colette sous l’anagramme de Missy, Yssim, dans Rêve d’Égypte, une pantomime, au Moulin Rouge. Celle ci déchaîne un scandale et l’interruption des représentations par le préfet de Police Louis Lépine.
Le 21 juin 1910, Missy et Colette signent enfin l’acte de vente du manoir de Rozven. C’est le jour même où le tribunal de grande instance de la Seine prononce le divorce de Colette et Willy. Missy inspire à l’écrivain le personnage de La Chevalière dans son roman Le Pur et l’Impur. Colette dit d’elle :
« La Chevalière … en sombre ajustement masculin, démentait toute idée de gaieté et de bravade. Venue de haut, elle s’encanaillait comme un prince ».
Colette prend ainsi la mesure du mal-être de son amie. Sous le pseudonyme d’Yssim, elle est sculptrice et peintre. C’est l’élève du comte Saint-Cène et du sculpteur Édouard Gustave-Louis Millet de Marcilly. Mathilde de Morny se fait aussi appeler Max, Oncle Max ou bien encore Monsieur le Marquis. Elle porte un complet veston (tenue interdite aux femmes), le cheveu court, fume le cigare.
Elle subit une hystérectomie et l’ablation des seins. Fin mai 1944, elle tente de se suicider mais elle est sauvée. Complètement ruinée, elle se suicide, un mois plus tard, le 29 juin 1944 en mettant la tête dans le four de sa cuisinière à gaz. Lors de ses funérailles c’est Sacha Guitry qui conduit le deuil. Elle repose avec son père, Charles Auguste Louis Joseph, duc de Morny (1811-1865), et sa mère, Sophie Troubetskoy (1836-1898).
Pour lire la biographie de Françoise Prouvoyeur
Sources : Gontier (Fernande) et Francis (Claude) Mathilde de Morny, La scandaleuse marquise et son temps, Perrin, 2005 ; Gontier (Fernande) Homme ou femme ? La confusion des sexes, Perrin, 2006 ; Colette Lettres à Missy, Paris, Flammarion, 2009. Date de création : 2009-12-23.