Charles (Étienne) Lutaud voit le jour le 15 septembre 1855, à Mâcon (Saône-et-Loire). Il grandit dans la bourgeoisie mâconnaise. Il fait partie de la même famille qu’Auguste Lutaud, docteur à Mâcon, qui sera un protagoniste très accessoire du scandale de Panama. Charles Lutaud suit des études au Lycée Lamartine de Mâcon, où il obtient des prix, notamment en anglais. Puis il étudie en faculté de droit et décroche une licence.
S’affirmant de gauche, il quitte Mâcon pour aller travailler comme attaché au Comité des Gauches du Sénat de juillet à novembre 1877. Il épaule les partis de gauche durant la crise du 16 mai 1877, ce qui fait sa réputation de républicain ardent. Il devient, le 21 décembre, chef de cabinet du préfet de la Somme puis, en 1879, du préfet de la Loire-Inférieure.
Charles Lutaud fait partie du cabinet du ministre de l’Intérieur Pierre Waldeck-Rousseau puis de François Allain-Targé, de mars 1883 à avril 1884. Pour le remercier de son bon travail, Allain-Targé le nomme sous-préfet de Boulogne-sur-Mer, en 1884. Il est alors sous la direction du préfet Vel-Durand, également un républicain convaincu. Ce dernier s’appuie sur lui pour combattre les influences anti-républicaines dans le Pas-de-Calais, qu’elles soient orléanistes, bonapartistes ou cléricales. Lutaud développe le renseignement territorial afin d’obtenir des informations sur les mouvances conservatrices locales.
Le 24 mai 1889, il devient préfet de la Sarthe, puis de la Corse (1893), des Côtes du Nord (1895), et de Haute Garonne (1897). Il fait campagne pour Ernest Constans et malmène ses ennemis politiques.
En décembre 1898, il est nommé préfet d’Alger. Il arrive en poste pendant une période d’agitation antisémite par les colons à Alger. Il réorganise la police algérienne sur le modèle de la préfecture de Police de Paris. Franc-maçon, il devient la cible des journaux antisémites algériens. Le 26 avril 1901, des rebelles attaquent un camp français à Margueritte, tuant six Européens. Lutaud envoie alors l’armée et six algériens sont tués. On mène alors une campagne contre lui, en Algérie et en métropole. Godefroy Cavaignac demande au président Félix Faure de le révoquer. L’affaire fait l’objet de débats à la Chambre des députés, où on le remarque car il ne se déplace qu’avec cinq commissaires autour de lui.
En juillet 1901, Lutaud quitte l’Algérie pour devenir préfet des Bouches-du-Rhône, puis il est, en septembre 1902, préfet de la Gironde, puis, en 1907 préfet du Rhône.
Il épouse le 28 juillet 1908 Valentine Marie Amaranthe Angélique Loucou avec qui il aura deux enfants.
Le 22 mars 1911, Charles Lutaud obtient le dernier poste important de sa carrière. On le nomme gouverneur général de l’Algérie. Il remplace Charles Jonnart, qui démissionne à la suite de la chute du gouvernement d’Aristide Briand. Charles Lutaud conservera cette fonction jusqu’en janvier 1918. Il déploie une politique agricole en faveur des colons, en les soutenant fermement. Il ne poursuit pas les réformes bénéfiques à la population algérienne que Jonnart avait commencé à mettre en place.
Dès son arrivée au poste, il se prononce contre la proposition Rozet visant à la suppression de l’internement administratif et des pouvoirs disciplinaires des administrateurs des territoires français. Il s’oppose à tout changement dans le statut social des musulmans d’Algérie. Il considère qu’une modification pourrait mener à plus de violences et à un ralentissement de la marche de l’assimilation. Régulièrement questionné par le pouvoir central au sujet de la sécurité intérieure de l’Algérie et de potentielles tentatives de rébellion, il assure avoir la situation sous contrôle. Il projette même un plan de contre-insurrection appuyé par les colons européens en cas de soulèvement.
Un grand nombre d’algériens musulmans s’est battu pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Ceci provoque un mouvement appuyant l’accès à la citoyenneté pour les algériens. Lutaud menace en 1915 de démissionner si cela était mis en place. Il revient sur sa position en 1917. Il propose que les soldats algériens, même ceux qui n’ont pas combattu, puissent obtenir la citoyenneté. Les demandes seraient cependant traitées par l’administration coloniale et non par le ministère compétent, à savoir celui des Armées.
En Algérie, Charles Lutaud remarque le travail du jeune Georges Catroux, dont il fait son conseiller politique à son cabinet.
En 1918, Georges Clemenceau lui propose de diriger l’action de la France en Ukraine dans le cadre d’une intervention spéciale dans ce pays, mais Lutaud refuse. On le nomme cependant nommé haut représentant de la France dans le pays.
Charles Lutaud meurt à Paris (1er), le 27 octobre 1921.
Distinctions : chevalier (13 juillet 1891), officier (10 août 1899), commandeur (9 janvier 1914), grand-officier (21 janvier 1919) de la Légion d’honneur
Sources : Base Léonore (Légion d’honneur). Date de création : 2021-11-04.