Les fosses communes
Extrait de Salomon, Le Père Lachaise :
En raison du grand nombre de décès, il n’a pas été possible, à Paris, de suivre à la lettre l’article 4 du décret du 12 juin 1804 ; une fosse dite fosse commune existe dans chacun des cimetières. Dans le Père-Lachaise, cette fosse occupe actuellement tout le terrain compris dans la section As du plan et une partie de la section Ar ; elle consiste dans une tranchée de quatre mètres d’ouverture et d’environ deux mètres de profondeur ; elle est toujours creusée d’avance ; les cercueils y sont déposés sur deux rangs l’un au bout de l’autre ; une distance est laissée entre chaque aux côtés, à la tête et aux pieds ; jamais ils ne sont superposés. Cette fosse est le cimetière commun des 6e, 7e, 8e et 9e arrondissements ; elle reçoit de vingt à vingt-cinq cadavres par jour, et cependant il n’y entre que les corps dont les familles ne peuvent ou ne veulent acquérir un terrain, soit temporairement, soit à perpétuité.
Les corps des personnes décédées dans les hospices, ni ceux des suppliciés, quand même le décès aurait lieu dans l’un des arrondissements ci-dessus, n’entrent pas au Père-Lachaise ; un cimetière particulier leur est réservé près du cimetière du Montparnasse. Les inhumations dans la fosse commune se font gratuitement. Autrefois elles avaient lieu hors la présence du ministre de la religion : une heureuse amélioration vient d’être apportée dans cette partie du service, des aumôniers, spécialement attachés au cimetière, reçoivent les corps des indigents à la porte, les suivent jusqu’à la tombe qu’ils ferment en récitant les prières de l’Eglise. C’est un grand soulagement apporté à la douleur si vraie du pauvre dans ces moments de séparation éternelle. Les fosses communes ne peuvent être reprises qu’après cinq années de la date des inhumations (art. 6 du décret organique).
Des entourages sont placés par les soins des familles sur ces lieux de sépulture ; des croix, dont le nombre est infini, couvrent cette partie du Père-Lachaise, elles portent des inscriptions rappelant les noms et les vertus des défunts. On peut faire exhumer les corps de ces fosses, en remplissant les formalités voulues, soit pour déposer ces corps dans des sépultures perpétuelles, soit pour les transporter hors des cimetières de Paris.
Ce texte date de 1855 et les fosses communes sont clairement visibles sur le plan de Goyer de 1867.
Pourtant, le 14 septembre 1850, le Président Louis-Napoléon rappelle le principe des fosses individuelles. En effet, Hausmann lui a fait remarquer qu’on empile jusqu’à 7 strates de cercueils dans les fosses communes du Père Lachaise. On ferme alors les fosses communes dans les cimetières du nord (Montmartre), de l’est (Père Lachaise) et du Sud (Montparnasse). Elles persistent ailleurs, ici ou là. Néanmoins, après l’écrasement de la Commune, on groupe dans une même fosse les 147 derniers défenseurs de la Commune, le long du mur « des fédérés ». D’autres cadavres, trouvés dans les rues adjacentes, sont groupés dans une même fosse dans le cimetière de Charonne.
Aujourd’hui, la dernière « fosse commune » française est le « carré des indigents » du cimetière parisien de Thiais. Celui ci accueille près de 4000 personnes. Ce sont principalement des SDF, dont on n’a pas retrouvé la famille, des corps accidentés non réclamés à l’Institut Médico-légal et pour lesquels les recherches n’ont pas abouties, et, rarement, des personnes demandant expressément qu’on les enterre là.
Sources : Salomon (F.T.) Le Père Lachaise. Recueil général alphabétique des concessions perpétuelles établies en ce lieu, Paris 1855.
Date de création : 2014-03-03.