Henri Krasucki voit le jour le 2 septembre 1924, à Wołomin (banlieue de Varsovie, en Pologne). Son père Isaac, juif, est ouvrier tricoteur, dans une fabrique de textile. Militant syndical et politique dans une Pologne où l’anticommunisme le dispute à l’antisémitisme, Isaac s’expatrie, en 1926, fuyant les pogroms. Deux ans plus tard, son épouse, Léa Borszczewska, ouvrière du textile et militante communiste, et son fils le rejoignent à Paris (20ème).
Isaac et Léa travaillent dans le tricot et reprennent, aussitôt arrivés, le combat dans la Confédération Générale du Travail (CGT-U), au Parti Communiste Français (PCF), et dans les organisations juives révolutionnaires.
Il y fait la connaissance de Pierre George, le futur Colonel Fabien. En 1999, il évoquera le « fraternel patronage communiste» » de son quartier. Il se fait embaucher chez Renault, une fois son CAP d’ajusteur en poche.
Ses activités de syndicaliste le font vite remarquer. En août 1939, le PCF est interdit par le gouvernement à la suite de la signature du pacte germano-soviétique. Isaac Krasucki plonge dans la clandestinité.
A quinze ans, il intègre les Jeunesses Communistes (JC) dans la section juive de la Main-d’œuvre Immigrée (FTP-MOI), dans le 20ème, en 1940. Il a d’abord des responsabilités dans son quartier, puis à l’échelon de son arrondissement, enfin, très vite, au niveau de la région parisienne.
Le 20 janvier 1943, son père est arrêté pour sabotage et interné à Drancy. Il est déporté, le 9 février, vers Birkenau, et gazé dès son arrivée, le 13 février. Sous le pseudonyme de « mésange », Henri Krasucki, dit également « Bertrand », s’occupe des cadres et du recrutement des jeunes.
Début mars, son frère Maurice est abattu lors d’une attaque contre un détachement de la Wehrmacht. Arrêté le 23 mars 1943, à 7 h 15, à la sortie de son domicile, torturé, pendant six semaines, il ne lâche rien.
Les Français de la Brigade Spéciale n°2 des Renseignements Généraux le livrent à la Geheime Feld Polizei. Celle-ci l’enferme à Fresnes, où il demeure privé de tout contact, dans le quartier des condamnés à mort. Puis c’est Drancy. Il y retrouve ses camarades, Roger Trugnan et Sam (Samuel Razynski).
À la mi-juin, c’est le départ. Roger Trugnan raconte :
« Nous chantions la Marseillaise et les gendarmes tapaient sur celles et ceux qui chantaient ».
Son convoi depuis Drancy, le numéro 55, du 23 juin 1943, déporte 1 002 Juifs, dont 160 enfants de moins de 18 ans transportés dans des wagons à bestiaux. Deux jours et une nuit plus tard, ils arrivent à Birkenau, annexe d’Auschwitz.
Seules 86 personnes de ce convoi survivront à la Shoah. On affecte Henri et ses camarades au camp annexe de Jawischowitz. Ils travaillent à la mine, seize heures par jour avec la faim, les coups et la crainte d’être malade, car cela signifie la mort.
Henri, Roger et Sam, aussitôt arrivés, ont cherché le contact. Ils continuent la lutte derrière les barbelés. Ils la continueront jusqu’à Buchenwald, où ils sont évacués en janvier 1945 – la fameuse « marche de la mort ».
Henri revient en France le 28 avril 1945, « juste à temps pour manifester au 1er mai », comme il dira avec humour. Il travaille alors comme ouvrier dans diverses usines de la métallurgie.
En 1949, il est secrétaire de l’Union départementale de la CGT de la Seine. En 1953, il entre au bureau fédéral de la Seine du PCF. Puis il fait partie du comité central du PCF, en 1956, comme membre suppléant.
En 1961, il entre au bureau confédéral de la CGT. Puis il devient directeur de La Vie Ouvrière, le journal du syndicat qu’il dirige pendant dix ans. En 1964, il devient membre du bureau politique du PCF. Il y est, avec Roland Leroy et Louis Aragon, l’un des » accoucheurs » du comité central d’Argenteuil, tournant historique du Parti dans ses relations à la culture, la recherche et aux intellectuels.
Quand Benoît Frachon se retire, en 1967, il se trouve aux côtés de Georges Séguy. Un an plus tard, en 1968, à l’occasion de la plus grande grève que la France ait connue, c’est l’un des principaux négociateurs des accords de Grenelle.
Puis il succède à Georges Séguy, à la tête de la CGT, en 1982. En 10 ans, les effectifs de la CGT ont fondu de moitié à environ 700 000 adhérents. Au début de son mandat, il se place en interlocuteur du pouvoir, jusqu’au départ des ministres communistes du gouvernement en 1984. Il redevient alors le porte-parole du mécontentement social.
Internationaliste convaincu, il se fait élire, en 1986, vice-président de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM). Mais il a du mal à accepter la désaffiliation de la CGT en 1995. Toutefois, il sait amorcer sur la fin de son mandat une prise de distance avec le PCF, qui vaut au syndicat de beaucoup mieux supporter les évolutions des années 90 que le parti.
En 1987, lors d’un Club de la presse, une journaliste du Figaro Magazine, Christine Clerc, lui reproche d’être un « français de fraîche date, naturalisé en 1947 ». Il réplique en racontant l’histoire de son père. Il explique à Jean-Claude Poitou, dans L’Humanité :
« Mes origines n’ont rien d’extraordinaires, il se trouve d’ailleurs qu’elles sont les mêmes que celles du cardinal archevêque de Paris (il s’agit de Jean-Marie Lustiger, comme lui d’origine juive polonaise). Ses parents et les miens ont, à peu d’années d’intervalle, vécu la même histoire, bien qu’avec des idées différentes. Je ne peux m’empêcher d’observer que si, par hypothèse, les circonstances de la vie m’avaient fait archevêque, on évoquerait aujourd’hui mes origines avec tact, sans insinuation perfide. Et si je comptais parmi mes ancêtres quelques grands princes polonais, alors là …»
Ainsi, il est silencieux sur Berlin-Est (1953), Budapest (1956) et le Printemps de Prague (1968). Mais il condamne après le 43e congrès en 1989, la répression de la place Tienanmen en Chine.
C’est, par ailleurs, un polyglotte, fou d’opéra et admirateur de Paul Eluard et rigoureux. Enfin, il est membre du bureau politique du PCF jusqu’en 1996.
Il s’éteint le 24 janvier 2003. Il repose auprès de sa mère, Léa, et de sa sœur, « Lili ».
La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, salue, à sa mort, « avec émotion et beaucoup de respect », la mémoire du « camarade Henri Krasucki ». Le président Jacques Chirac rend hommage « au fils d’immigrés polonais dont la jeunesse est très tôt marquée par le combat pour la liberté et pour la France et qui a connu le drame de la déportation alors qu’il n’a pas vingt ans »
Sources : Wikipedia. Date de création : 2008-11-15.