Jean Jérôme, pseudonyme de Michel Feintuch, voit le jour le 12 mars 1906 à Solotvyn (Ukraine, alors en Autriche Hongrie). Sa famille juive modeste se compose de neuf enfants, dont quatre meurent en bas âge. Marqué dès le début de sa vie par l’éducation religieuse et un judaïsme militant, il apprend dans les écoles confessionnelles à traduire la Bible de l’hébreu en yiddish.
Il commence à travailler à l’âge de seize ans comme employé de commerce à Stanisławów (Pologne) où sa famille s’est installée. Il constitue rapidement, avec d’autres, un syndicat des employés de commerce et fréquente le Parti communiste de Pologne clandestin. Deux fois arrêté, il ne trouve plus de travail. Il quitte la Pologne pour échapper au service militaire et à ses bataillons disciplinaires qui attendent inévitablement un militant révolutionnaire.
Jean Jérôme se fixe dans la région de Liège (Belgique), à partir de 1927, travaillant comme manœuvre aux laminoirs Espérance-Longdoz. Il essaie de reprendre ses études à l’École des Hautes études commerciales et consulaires. Il milite dans la Main d’Œuvre Immigrée (MOI) et entre au bureau fédéral du Parti communiste de Belgique où on le charge de la trésorerie.
Expulsé de Belgique en 1929, il passe clandestinement en France. Il travaille d’abord illégalement sur des chantiers. Puis il trouve un emploi de câbleur-monteur à la Société industrielle du téléphone, à Paris (15ème). Il est élu au Comité exécutif du Syndicat des métaux CGTU de la région parisienne. Parallèlement, il milite activement au Parti Communiste Français, notamment à la section centrale de la MOE, plus tard la MOI.
Membre du Bureau national de la MOI de la CGTU, on l’expulse de France vers la Belgique, en 1931. Mais il regagne clandestinement la région parisienne. Il restera clandestin de longues années. Il rencontre, en 1933, Eugen Fried, le représentant de l’Internationale Communiste (IC) à Paris.
En 1937, il est à la direction de la Commission internationale de ravitaillement qui organise les envois d’armes et de vivres aux brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Quand la République d’Espagne s’effondre, les réseaux d’aide à l’effort de guerre des républicains se réorientent vers l’aide aux réfugiés qui arrivaient en France par dizaines de milliers. Selon Thierry Wolton, il aurait effectué un stage d’espionnage à Moscou en 1938-1939.
En septembre 1939, il fait les démarches pour être engagé dans l’armée française mais est dirigé vers une commission de recrutement de l’armée polonaise en France qui décide un ajournement pour six mois et son embauche comme requis civil à la Société industrielle du téléphone.
En 1940, il établit la liaison avec Jacques Duclos et participe activement à l’activité de propagande clandestine du Parti communiste. Il édite du matériel et fait paraître l’Humanité clandestine, avec son frère Pierre blessé à la guerre d’Espagne. C’est à cette époque que Michel Feintuch prend le pseudonyme de Jean Jérôme, qui lui restera jusqu’à la fin de sa vie. L’historien Philippe Robrieux pense qu’il est désigné pour remplacer Giulio Ceretti, l’ancien responsable de France-Navigation et de la caisse noire de l’IC, alors rappelé à Moscou, comme Maurice Thorez.
Il établit, de mars à mai 1941, des contacts avec des intellectuels antifascistes et les premiers contacts avec les gaullistes. Jean Jérôme est arrêté le 14 avril 1943, à l’occasion d’une rencontre imprévue avec Betka Brikner (alias Betka Weinraub), une femme qui fait les liaisons de Louis Gronowski, responsable national de la MOI.
Il échappe au transfert à Drancy d’où il devait être déporté comme juif. On l’interne pendant seize mois à la prison de la Santé, puis à la prison des Tourelles. Libéré le 19 août 1944, il rejoint alors le comité militaire national des FTPF dirigé par Charles Tillon. Menacé d’expulsion, car il n’a pas la nationalité française, André Blumel annule l’arrêté d’expulsion. Jean Jérôme reçoit la nationalité française en janvier 1947.
Par la suite, Jean Jérôme est un des responsables des finances du PCF. C’est notamment le patron des sociétés commerciales qui travaillent avec les pays d’Europe de l’Est. Il a la confiance des dirigeants du parti, Maurice Thorez et Jacques Duclos. Il exerce des responsabilités financières nationales et internationales, en liaison avec Gaston Plissonnier.
Philippe Robrieux, qui voit en Jean Jérôme un personnage troublant, brosse de lui un portrait contrasté : il « promène partout son visage dur et inquiétant, surmonté de sortes de lorgnons et son regard en vrille qui semble vouloir plonger à l’intérieur de chacun… il apparaît à ceux qui le fréquentent comme un dirigeant de sang-froid, glacial et impitoyable quand il le faut, réaliste, habile, dominateur et sûr de lui, mais aussi comme un homme jovial qui sait se montrer à la fois intéressant dans la conversation et bon compagnon avec ses intimes ».
Jean Jérôme meurt le 1er mai 1990, en Suisse.
Distinctions : médaille de la Résistance ; croix de guerre 39-45 ; chevalier de la Légion d’honneur (non indiquée dans la Base Léonore).
Sources : Base Léonore (Légion d’honneur). Date de création : 2021-09-10.