Joseph Marie de Gérando (baron de Rathsamhausen), ou Degérando, voit le jour à Lyon (Rhône), le 29 février 1772. D’une famille de notables, il fait ses études chez les Oratoriens de la ville.
Il se destine à entrer dans les ordres. Mais sa participation au mouvement fédéraliste lyonnais l’oblige à fuir en Suisse puis à Naples pour avoir résisté contre les troupes de la Convention. Revenu en France, il s’engage dans l’armée du Rhin, à Colmar. Grâce à son ami lyonnais Camille Jordan (1771-1821), il se retrouve dans un cercle qui comprend les fils de Claude Perier, Augustin et Scipion, placés par leur père sous l’égide des frères Pfeffel, Théophile Conrad et Christian Frédéric, férus de pédagogie moderne.
De Gérando se trouve ainsi dans un milieu où circulent à la fois les idées des lumières françaises et allemandes. En 1795, l’amnistie du 4 brumaire an IV lui permet de s’établir à Paris. Il se fait connaître en participant à un concours de l’Institut de France dont il remporte le premier prix grâce à un essai sur le sujet suivant : De l’influence des signes sur la génération des idées.
Il y oppose les limites et les inexactitudes du langage naturel avec la rigueur formelle du langage mathématique, notamment algébrique. Bien qu’il ait quitté Lyon, il conserve des liens avec Pierre Simon Ballanche, Louis Furcy Grognier, Juliette Récamier et André Marie Ampère. Il reste aussi administrateur de l’Hôtel-Dieu de Lyon.
Auteur d’un des premiers guides d’enquête ethnographique publié en 1800 par la Société des observateurs de l’homme, il dresse un grand tableau du domaine d’observation de l’ethnologie qu’il définit comme une science en posant les principes de ce qu’on a appelé depuis » l’observation participante » des peuples primitifs.
Il rédige notamment des Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages à l’intention des membres de l’expédition scientifique qui accompagnent le capitaine Baudin dans son exploration des terres australes.
Ces instructions seront reprises dans le compte-rendu du voyage publié par François Péron et Louis de Freycinet en 1804. Proche de Frédéric Ozanam, autre Lyonnais, il publie « Le Visiteur du pauvre » en 1824.
Gérando fait de l’observation la condition même de l’étude des indigents et la mesure de la compréhension des « maladies morales » dont souffre la société. La « visite » n’a plus seulement une fonction de « charité », mais d’investigation.
La philanthropie devient une science empirique qui annonce la Méthode sociale et la sociologie des Ouvriers européens de Frédéric Le Play. Par la suite, il devient vice-président du Conseil supérieur de la santé et administrateur de la Charité du XIe arrondissement de Paris.
Il participe en 1802 à la fondation de la Société d’encouragement pour l’éducation industrielle du peuple et à celle de la Société pour l’instruction élémentaire en 1815 aux côtés de Jomard. Gérando est alors proche des francs-maçons et s’implique auprès des partisans de l’éducation mutuelle comme le philanthrope Alexandre de Laborde.
De Gérando voit dans la lecture un facteur d’intégration sociale et de lutte contre l’indigence, et non une voie d’accès au savoir et à la culture. Il se révèle ainsi proche de l’école sensualiste dans sa façon de concevoir l’émergence de la pensée et des idées.
Le fonctionnement des écoles mutuelles révèle dès 1817 l’importance de l’analphabétisme. Ceci pousse de Gérando à rechercher des solutions propres à conserver les connaissances acquises. Il approfondit la connaissance de la communication par signes chez les sourds-muets.
Il est associé résident de la seconde classe de l’Institut national jusqu’en 1803. De Gérando, par ses travaux sur Kant et sur les peuples sauvages, offre une synthèse des études ethnologiques du dernier tiers du 18ème siècle. Il utilise ces éléments pour rédiger le mémoire De la génération des connaissances humaines. Celui-ci remporte le prix de l’Académie de Berlin, en 1802.
Attaché par Lucien Bonaparte au ministère de l’Intérieur, il est nommé en 1804 secrétaire général de ce ministère. Puis il accompagne, en 1805, Napoléon en Italie. Il introduit l’administration française en Toscane (1808) et dans les États romains (1809).
De Gérando poursuit alors une importante carrière administrative. En 1811, il est maître des requêtes au Conseil d’État, puis conseiller d’État et, en 1812, intendant de la Haute Catalogne. Il est appelé, en 1819, à la chaire de droit administratif nouvellement créée.
Il est également membre de la consulte d’état, à Rome. En 1814, il est membre de la Société philosophique organisée autour de Maine de Biran. En 1821, il est à l’origine de la création de l’École des chartes.
Soutenu par Lucien Bonaparte, Gérando devient membre du Bureau consultatif des arts et du commerce. Il devient membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1832 (section philosophie, fauteuil no 2).
On le nomme pair de France en 1837. Il rédige, en 1839, un Traité de la bienfaisance publique qui résume le sens de son action philosophique et politique. Il crée un ouvroir qui portera son nom. En décembre 1834, il fait partie des fondateurs de la Société française pour l’abolition de l’esclavage. Il est considéré par Jean Jamin comme le fondateur de l’anthropologie française. Il meurt le 10 novembre 1842.
De Gérando est l’oncle de l’essayiste franco-hongrois Auguste de Gérando. Les écrits de Gérando auront une certaine influence outre-Atlantique, notamment sur des intellectuels tels que Henry David Thoreau, Margaret Fuller, et surtout Ralph Waldo Emerson, qui s’appuie sur le cadre conceptuel de Gérando pour développer ses idées dans son premier ouvrage « Nature ».
Publications :
- Des Signes et de l’Art de penser considérés dans leurs rapports mutuels (1800) ;
- De la Génération des connaissances humaines (1802) – Mémoire qui a partagé le prix de l’Académie de Berlin sur la question suivante : Démontrer d’une manière incontestable l’origine de toutes nos connaissances – ;
- Considération sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages (1800) ;
- Le Visiteur du pauvre (1824) ;
- Histoire comparée des systèmes de philosophie, relativement aux principes des connaissances humaines (1822) ;
- Du Perfectionnement moral, ou de l’Éducation de soi-même (1824) ;
- De l’Éducation des sourds-muets de naissance (1827) ;
- De la Bienfaisance publique (1839) ;
- Des Progrès de l’industrie, considérés dans leurs rapports avec la moralité de la classe ouvrière (1841) ;
- Histoire de la philosophie moderne, à partir de la renaissance des lettres jusqu’à la fin du XVIIIe siècle (1847) ;
- Les Bons Exemples, nouvelle morale en action (1858) – en collaboration avec Benjamin Delessert.
Titres : Baron de l’Empire (15 août 1809), Pair de France (3 octobre 1837).
Distinctions : chevalier (13 avril 1809), officier (30 juin 1811), commandeur (10 mai 1820), grand-officier de la Légion d’honneur (27 avril 1840).
Sources : Base Léonore (Légion d’honneur) ; Wikipedia. Date de création : 2007-04-21.