Daniel Cordier, voit le jour le 10 août 1920 à Bordeaux. Son père, René Bouyjou, après avoir rejoint la florissante entreprise de commerce de café familiale, en est le représentant dans toute l’Europe. Il se marie en 1919 avec Jeanne Gauthier au Bouscat (Gironde), issue d’une famille de riches propriétaires et négociants bordelais.
Sa mère divorce en 1925 et se remarie en 1927 avec Charles Cordier, également du même milieu social. Son père, René Bouyjou, obtient la garde du petit Daniel. Il fait ses études dans différents collèges catholiques dont l’école Saint-Elme à Arcachon.
Influencé par les idées antisémites et maurrassiennes de son beau-père qu’il admire, il milite à 17 ans à l’Action française. Il fonde à Bordeaux le cercle Charles Maurras. Il écrit dans son autobiographie qu’il ne serait jamais entré dans la Résistance sans les articles du théoricien du « nationalisme intégral ». Mais, contrairement à son maître à penser, il refuse d’emblée l’armistice par patriotisme.
En juin 1940, il se trouve à Bescat (Basses-Pyrénées), attendant son incorporation prévue le 10 juillet. Le 17 juin, il écoute à la radio le premier discours de chef du gouvernement, le maréchal Pétain. Il s’attend, de la part du vainqueur de Verdun, à une volonté de poursuivre la guerre. L’annonce de la demande d’armistice le révolte donc.
Le jour même, il imprime et diffuse un tract « contre Pétain ». Il rassemble seize volontaires et espère que l’empire français continuera la guerre. Il embarque ensuite le 21 juin à Bayonne sur un cargo belge, le Léopold II, qui doit aller en Algérie. Le bateau fait finalement route vers l’Angleterre. Daniel Cordier atteint Falmouth (Cornouailles) le 25 juin. Il s’engage avec ses camarades dans les premières Forces Françaises Libres de la « Légion de Gaulle » le 28 juin 19404.
Il découvre avec étonnement que des socialistes et des communistes comptent parmi ces engagés. Parmi ceux ci, il rencontre Raymond Aron et Stéphane Hessel, puis Georges Bidault, auxquels il restera lié. En transit pendant quelques jours à l’hôtel Olympia, il est affecté au bataillon de chasseurs alors en formation. Il arrive début juillet à Delville Camp (Aldershot), pour y suivre un entraînement jusqu’à la fin du mois. Le bataillon s’installé au camp d’Old Dean (Camberley), où il obtient le grade de lieutenant.
Entré au Bureau central de renseignements et d’action, on le parachute près de Montluçon le 26 juillet 1942. Cordier gagne Lyon et entre au service de Jean Moulin, membre (nommé secrètement par de Gaulle) du Comité national français, officieusement seul représentant de ce comité en métropole. Il prend alors le surnom d’Alain en référence au philosophe.
Cordier dirige le secrétariat de Jean Moulin. C’est, au quotidien, l’un de ses plus proches collaborateurs. Il gère son courrier et ses liaisons radio avec Londres. Cordier l’aide à créer divers organes et services de la Résistance. Il assiste aux patients efforts de celui-ci pour unifier la Résistance intérieure française et la placer sous l’égide de Londres. À Lyon, Cordier recrute Laure Diebold (secrétariat), Hugues Limonti (courrier), Suzanne Olivier, Joseph Van Dievort, Georges Archimbaud, Laurent Girard, Francis Rapp alias Louis et Hélène Vernay.
À Paris, il emmène la majorité de son équipe, à laquelle se joignent Jean-Louis Théobald, Claire Chevrillon et Jacqueline Pery d’Alincourt. Alors, à Lyon, Tony de Graaff le remplace, avec Hélène Vernay (secrétariat) et Laurent Girard (courrier). Ce long travail aboutit à la fondation du Conseil national de la Résistance (27 mai 1943).
Il faut, pour cela, passer par des frictions avec des chefs de la Résistance et avec Pierre Brossolette, autre envoyé de De Gaulle et concurrent de Jean Moulin. Brossolette réclame, entre autres, le rappel de Cordier à Londres après l’arrestation et la mort de Jean Moulin.
Resté jusqu’au 21 mars 1944 au service du successeur de Moulin à la délégation générale, Claude Bouchinet-Serreulles, Cordier passe les Pyrénées en mars 1944. Il est interné à Pampelune puis au camp de Miranda en Espagne, puis rejoint la Grande-Bretagne.
Comme il le raconte dans son livre Alias Caracalla, ses convictions évoluent au fil de ses rencontres et de ses expériences. Il abandonne ses positions royalistes et maurrassiennes, parce que Charles Maurras «trahit» en soutenant le maréchal Pétain, mais aussi à cause de l’antisémitisme dans ce milieu.
À l’occasion du procès de René Hardy en 1947, il dépose dans le sens de sa culpabilité dans l’affaire de Caluire. Il conclura à nouveau à cette culpabilité des décennies plus tard « en [son] âme et conscience », cette fois après de longues recherches historiques. Cordier choisit de tourner la page et d’oublier radicalement cette période de sa vie. Il ne parle plus de la Résistance en public pendant plus de trente ans.
Il ne se consacre plus au militantisme politique. Cordier adhère désormais à un socialisme humaniste et non marxiste. Il aide à la fondation du club Jean-Moulin au début des années 1960. Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, Daniel Cordier prend position contre Marine Le Pen, qualifiant sa possible élection de « monstrueuse ».
Peintre et marchand d’art
« Jean Moulin fut mon initiateur à l’art moderne. Avant de le rencontrer, en 1942, j’étais ignorant de cet appendice vivant de l’histoire de l’art. Il m’en révéla la vitalité, l’originalité et le plaisir. Surtout il m’en communiqua le goût et la curiosité »
écrit Daniel Cordier, en 1989, dans la préface du catalogue présentant sa donation au Centre Pompidou. Sitôt les hostilités finies, il commence une carrière de peintre. Il s’inscrit à l’académie de la Grande Chaumière en 1946. La même année, il achète sa première œuvre, une toile de Jean Dewasne, au Salon des réalités nouvelles.
Pendant dix ans, Cordier peint et collectionne : Braque, Soutine, Rouault, De Staël (« dont la rencontre d’une toile […] fut [sa] révélation de l’art moderne »), Hartung, Villon, Reichel, Réquichot, Dado, puis Arman, Tàpies, Mathieu, Hundertwasser, Kline, Tobey, Wols, César, Tinguely, Claude Viseux, Stankiewicz, Hantaï, Reutersward, Sonnenstern, Ossorio, Takis, Chaissac…
En novembre 1956, il ouvre sa première galerie et se lance dans une brillante carrière de marchand d’art. Après une première exposition consacrée à Claude Viseux, il expose, conjointement Dewasne, Dubuffet et Matta. En mai 1957, il organise la première exposition personnelle de Bernard Réquichot qu’il rencontra à la Grande Chaumière dès 1950.
Pendant huit ans, nombre d’artistes, pour beaucoup découverts, lancés et soutenus par Cordier, se succèdent dans la galerie. Mais, pour des raisons financières, et du fait du manque d’intérêt qu’il ressent, en France, pour l’art contemporain, il ferme sa galerie, en juin 1964, pour se tourner vers l’organisation de grandes expositions.
Il participe, en particulier, à la grande exposition « Douze ans d’art contemporain » ou « 72/72 », en 1972, invité par François Mathey. Une exposition qui fera date et où la présence de Daniel Cordier est très critiquée.
À partir de 1973, il fait don d’un millier d’œuvres et d’objets au Centre Pompidou et aux Abattoirs de Toulouse. À celles-ci s’ajoutent en 2015 cent-cinquante objets extra-européens et treize œuvres modernes de Paul Klee, Dado, Georgik, Bernard Réquichot et Louise Nevelson ; plus les archives de sa galerie (1956-1964) ainsi que des documents personnels.
Devenu militant de la cause homosexuelle, Daniel Cordier publie en 2009 son autobiographie sous le titre Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943. Il y révèle son homosexualité (qu’il avait dû cacher à l’époque, car « la haine à l’égard de l’homosexualité était terrible »). En 2013, il est partisan du mariage pour tous. Les Feux de Saint-Elme, paru en 2014, est le journal intime de ses années passées en pension.
C’est le récit de son éveil sentimental et sexuel dans l’école Saint-Elme à Arcachon, pensionnat religieux de garçons dans lequel il passe son adolescence. Il subit les influences contradictoires d’André Gide et de son confesseur qui le persuade de renoncer à son amour pour un garçon, David Cohen. Cet épisode marquera sa vie entière.
C’est aussi un ami de Roland Barthes et le tuteur du jeune Hervé Vilard. Il encourage ce dernier dans sa démarche de devenir chanteur.
En 2020, lors des commémorations de l’appel du 18 Juin, le premier ministre britannique Boris Johnson annonce que les quatre derniers compagnons de la Libération, Edgard Tupët-Thomé, Pierre Simonet, Hubert Germain et Daniel Cordier, sont nommés membres de l’ordre de l’Empire britannique. C’est Ed Llewellyn, ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, qui lui remet sa décoration, chez lui, à Cannes, le 7 juillet 2020.
Daniel Cordier meurt le 20 novembre 2020, à Cannes (Alpes-Maritimes). Après un hommage national dans la cour de l’Hôtel des Invalides, présidé par Emmanuel Macron, le 26 novembre 2020, il repose aux côtés de sa mère et de son beau-père (dont il avait pris le nom).
Extrait (du communiqué du président de la République Emmanuel Macron) :
« Pour la liberté et l’honneur de la France, il entra en Résistance, quitta tout, accepta le danger, la solitude, la routine aride et les complications insensées des réseaux clandestins […] Affecté à l’administration des réseaux de Résistance de la zone Sud, il fut parachuté en 1942 et devint alors le secrétaire […] de Jean Moulin. Leur engagement […] permit qu’au jour du débarquement les alliés vissent se lever de l’ombre où elle était tapie une France prête à reprendre en main son destin. »
Distinctions : compagnon de la Libération. Sources : Wikipedia. Date de création : 2020-12-25.