Fils naturel d’un créole blanc et d’une africaine affranchie, Marie-Françoise, Jean-Pierre Boyer nait à Port-au-Prince (Haïti), le 15 février 1776. Après avoir débuté comme tailleur d’habits, il s’engage dans l’armée. Il montre sa bravoure en 1792, au moment où les hommes de couleur libres se joignent aux esclaves noirs. Ensemble ils conquièrent la liberté, avant que la Convention de France ne décrète l’abolition de l’esclavage, le 29 août 1793.
Mais les planteurs livrent le môle Saint-Nicolas aux anglais, le 22 octobre 1793. Il les combat alors sous la direction des commissaires de la métropole et du général Beauvais. Promu au grade de capitaine, il déserte le camp de Toussaint-Louverture pour se ranger sous la bannière du proconsul de la presqu’île du Sud, le général Rigaud, en 1799.
Retiré à Jacmel, son parti succombe. Chef de bataillon, il doit donc se réfugier en France avec Alexandre Sabès, dit Pétion. Napoléon Bonaparte, premier consul, veut employer les hommes de couleur à retirer le gouvernement de l’île à Toussaint-Louverture, car ce dernier a traité avec les Espagnols.
A cette fin il leur donne des grades dans l’expédition qu’il confie à son beau-frère le général Leclerc (1801). L’armée se compose en partie des vieilles bandes qui ont fait les campagnes d’Italie. Boyer y est employé comme capitaine. Il débarque au Cap, le 1er février 1802.
Dans une proclamation du 8 novembre 1801, le premier consul promet aux habitants de Saint-Domingue, sans distinction de couleur, la liberté et l’égalité des droits. Mais par un arrêté antérieur et secret (du 25 décembre 1800), il a envoyé trois commissaires pour y rétablir les « cultures », autrement dit l’esclavage.
Le 20 mai 1802, il fait promulguer à Paris la loi rétablissant l’esclavage dans les colonies. Toussaint Louverture, informé des projets du Premier consul, donne alors l’ordre de faire une guerre d’extermination aux français. Le 17 février 1802, le commandant de l’armée expéditionnaire met les chefs noirs hors la loi. On arrête Toussaint le 11 juin et on le déporte en France.
Mais l’armée française perd son général et la plus grande partie de son effectif en quelques mois, surtout par l’effet des maladies. L’expédition échoue et rembarque donc pour la France.
En 1806, le général Pétion, mulâtre comme lui, fait décréter une constitution républicaine à Port-au-Prince, tandis que Christophe, noir, prend le pouvoir au Cap.
Bientôt la guerre qui éclate entre Pétion et Christophe et amène la division de l’ancienne partie française de Saint-Domingue en deux États. L’empereur Christophe, avec des principes despotiques, gouverne celui du nord. Le général Pétion, véritable président d’une république, dirige celle du centre et du sud. Boyer s’attache à la fortune de ce dernier qui l’élève successivement au grade de colonel et de général de division.
A la mort de Pétion, en 1818, il se fait élire président de la république. Mais Christophe continue de régner au Cap. Néanmoins ce dernier meurt et ses sujets se réunissent à la république, en 1820. En 1822, Boyer fait une expédition contre la partie espagnole de l’ile et prend Santo Domingo.
Il est l’espoir de tous les noirs esclaves dans les colonies européennes, et surtout de ceux qui, libres, sont encore opprimés par les préjugés des planteurs. Aussi arbore-t-il ouvertement une politique de protection à leur égard. En 1822, il donne secours et asile aux proscrits de la Martinique.
Mais il déshonore son pouvoir en faisant condamner à mort un noir nommé Darfour, membre de la chambre des députés. Celui ci avait reproché des abus à son gouvernement.
Par ailleurs, on s’aperçoit bientôt qu’il ne respecte plus aucune des prérogatives de la chambre des députés. Le sénat est acheté, ou composé d’après son ordre. En un mot, la Constitution de 1816, dont il est un des auteurs, n’existe plus que de nom.
En 1825, une flottille française commandée par un capitaine de vaisseau parait dans la rade de Port-au-Prince, avec pour mission d’obtenir l’enregistrement immédiat d’une ordonnance du roi Charles X (du 17 avril 1825). La France réclame le versement d’une indemnité de 150 millions, pour prix de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti.
Bravant cette menace, Boyer n’expose que la ville de Port-au-Prince. En effet, celle ci, bâtie en bois, peut être brûlée par la flottille. Or celle ci n’a pas de troupes de débarquement. De sorte qu’en se retirant momentanément dans les mornes, Boyer conserve l’indépendance de sa patrie. Mais il finit par se soumettre et accepte l’ordonnance bien qu’il ne puisse pas satisfaire aux conditions imposées.
Il envoie des commissaires en France pour y contracter un emprunt de 30 millions (dont il ne perçoit que 24), afin de payer le premier cinquième. Le corps législatif vote l’indemnité, qu’il déclare dette nationale, et décrète une imposition extraordinaire de 30 millions de gourdes, qui ne peut jamais être recouvrée. Dès lors, la prospérité d’Haïti disparait complètement.
On ne paie ni les arriérés de l’emprunt de 30 millions, ni les intérêts du capital restant de 120 millions. En 1838, la France accepte de réduire sa créance de moitié, afin de ne pas jeter Haïti dans l’anarchie. Mais cette somme de 60 millions n’est pas davantage payée, et il faut qu’un troisième traité accorde de nouveaux et de très longs délais.
Par ailleurs, il cesse de présenter au corps législatif le compte réel des recettes et des dépenses. Il lui conteste toutes ses prérogatives.
Les abolitionnistes d’Europe, amis d’Haïti, adressent des remontrances sur le tort que cette conduite fait à la cause de l’abolition de l’esclavage. Bien loin de les accueillir, Boyer les fait combattre par un de ses affidés, le sénateur Beaubrun Ardouin, dans une lettre rendue publique en 1842. Tant d’erreurs précipitent sa ruine. Boyer perd toute popularité. La partie la plus éclairée de la population forme dans le sud une association défensive et prend les armes.
Personne ne veut prendre la défense d’un gouvernement désormais condamné : Boyer doit fuir en s’embarquant avec ses principaux conseillers. Aussitôt après, le 13 mars 1843, l’armée populaire prend possession de Port-au-Prince et manifeste bruyamment son triomphe.
Après quelques années de résidence à la Jamaïque, Boyer se rend à Paris. Là, il s’éteint dans une quasi misère, à l’âge de 74 ans, le 9 juillet 1850. L’ancien sénateur haïtien, Mesmin Villevaleix, prononce l’oraison funèbre.
Sources : Wikipedia. Date de création : 2006-12-24.