Epitaphes recueillies par Prosper (1853)

Il y a bien longtemps, existait au Père-Lachaise un emploi particulier, celui de conducteur. Cette personne avait pour vocation de conduire les visiteurs ou les familles auprès des tombes recherchées. Parmi eux, l’histoire a retenue Prosper, conducteur de son état et littérateur. On lui doit un petit ouvrage intitulé Une Voix au Père-Lachaise, paru en 1853 chez son auteur. Ce petit livre charmant livre des épitaphes que l’on pouvait lire alors sur les stèles et les tombeaux. En voici quelques extraits.

Pour Marie Antoinette Blouin (morte en 1848 à 13 ans) :

«  O ma fille chérie ! O fleur trop fugitive,
Tu vivais pour notre bonheur !
Et le souffle d’orage a dispersé la tige,
De ta mère Dieu sait la douleur.
 »

Pour Constant-N Pourchet (mort en 1847) :

« Objet d’amour, de deuil, d’éternel souvenir,
Tu devais ne pas naître, ou ne jamais mourir.
 »

Pour Alexandre Eugène Blouin (mort en 1847) :

« Toi qui si jeune encor vis finir ta carrière,
Tu brillais de tant de vertus ;
Dieu bénit ton martyre au séjour de lumière,
Il voulait un ange de plus.
 »

Pour Marguerite Joly, épouse Lefebvre (morte en 1846) :

« O toi qui nous donna la vie,
Toi que nous aimions tendrement,
La mort seule, ô mère chérie,
Nous cause le premier tourment.
 »

Pour Cécile Brion, veuve Prudhon (morte en 1846) :

« Sous cet humide sol arrosé de nos pleurs,
Repose notre mère, objet de nos douleurs,
Nous croyions te guérir, ton heure était sonnée,
La mort au teint livide à nos yeux t’a frappée.
 »

Pour Rose Adeline Ronsin (morte en 1846, à 15 ans et demi) :

« Au cercle de la vie, amante douce et pure,
En esprit lumineux elle nous apparut.
Le don du beau savoir, à sa faible nature
Ne pouvant s’accorder, le tout a disparu.
 »

Pour Jean Nicolas François (1764-1844) :

« Notre père chéri repose sous cette tombe,
Son grand amour pour nous fut son guide en ce monde,
Nous étions tout pour lui; terre sainte et sacrée,
Tu seras bien souvent de nos larmes arrosée ;
Dès ses plus tendres ans, il voyait l’avenir,
Ah ! Grand Dieu, bénis-le comme il sut nous bénir.
Puisse le ciel sur lui étendre sa clémence,
Et le bonheur du juste être sa récompense.
 »

Pour Marie-Francine Borel (morte en 1844) :

« Toujours sur cette terre étroitement unies,
Pour secourir le pauvre et servir le seigneur,
Au séjour bienheureux Dieu les a réunies,
Emportant les regrets d’un frère et d’une sœur.
 »

Pour Eugénie Bossange (morte en 1843) :

« C’était un grand et noble esprit, une bonté sans borne et un dévouement inépuisable.
Que Dieu lui donne au ciel le bonheur qu’elle n’a pas eu sur la terre.
 »

Pour Pierre-Marie-Nicolas Tamponet, jardinier (mort en 1843) :

« Savant admirateur de la belle nature,
Il consacra son temps tout à l’horticulture.
De ses nobles travaux, si la célébrité
A mis quelque relief au nom qu’il a porté,
Pour secourir le pauvre en s’oubliant lui-même.
Il vécut en chrétien et s’endormit de même.
»

Pour la veuve Dufour (morte en 1842) :

« Sous ses verrous glacés la mort impitoyable
A pu seule enchaîner son active bonté.
Le lit du malheureux que la douleur accable
Ne verra plus ses pas, son cœur, sa charité.
 »

Pour Zélie Goudal (morte en 1841, à 5 ans)  et Coralie Goudal (morte en 1844, à 11 ans et demi) :

« Jeunes filles, pourquoi vous pencher vers la terre
Quand vos âmes en fleur (parfum délicieux)
Enivraient à la fois un bon père, une mère ?
Deux anges manquaient donc à l’empire des cieux ?
Oui, mais bientôt parés de blanches auréoles,
Nous leur dirons du ciel les mots consolateurs,
Vous pleureront-ils moins ? Vos dernières paroles,
Comme un glas éternel vint bruire en nos cœurs.
»

Pour Elisa Talbot (morte en 1840 à 19 ans) :

« Vrai modèle de sagesse et de douceur
L’amour du bien fut toujours son partage.
Sa tendre mère, hélas ! Dans sa douleur
Porte en son cœur à jamais son image.
 »

Pour Joseph Regnier (mort en 1835) :

« Je t’ai perdu, Ô mon ami !
Qui comprendra la douleur qui m’accable ?
De toi il ne me reste que le souvenir d’une union
Qui me rendit heureuse, et du ciel où tu dois être,
Prie l’éternel qu’auprès de toi j’aie un jour ma place.
Veille sur notre famille dont tu fus le père,
Afin que réunis tous ensemble,
Nous puissions jouir d’un bonheur sans fin.
 »

Pour Tamponet fils (1805-1832) :

« L’enfant que couvre cette pierre
Fut un instant mon espoir, mon amour.
L’orgueil de nos vieux ans est perdu sans retour.
Grand Dieu ! Que tes desseins sont un profond mystère.
 »

Pour Frédéric de Valen (garde du corps du roi, mort en 1824, à 30 ans) :

« Je meurs content, je vais au ciel,
Mais ma pauvre mère elle en mourra.
Si la douleur tuait, ô mon Frédéric,
Ta tombe renfermerait mes cendres,
Et celles de tes frères et sœurs. »

Pour Louise Stéphanie Chaumont (1818-1823) :

« Elle dort ! Pauvre petite, tu faisais déjà notre consolation.
Hélas ! Sans l’espérance de te revoir un jour,
Ton père et ta mère seraient inconsolables. 
»

Pour Jeanne-Marie Hardy, épouse d’Auguste Guyot (morte en 1823, à 24 ans) :

« De toutes les vertus elle était l’emblème,
Elle n’avait qu’un défaut, c’était l’oubli d’elle-même.
 »

Marie Tamponet, épouse de M. Dentu (morte en 1822) :

« Dans nos cœurs tu vivras toujours,
Tendre mère, épouse chérie,
L’instant où tu perdis la vie
Fut le dernier de nos beaux jours.
»

Pour la famille Laurent :

« Nous marchons vers un but dont aucun ne s’égare
Et la Mort réunit ceux que la mort sépare.
 »

Sources : Prosper Une voix au Père Lachaise, ou ses inscriptions, chez l’auteur, rue de la Roquette, 1853, 240 pages. Date de création : 2010-11-06.

Bibliographie

Date de la dernière mise à jour : 13 janvier 2024