BEAUVISAGE Antoine Jean (1786-1836)
France

gravure par Ephraïm Conquy
Chimiste, manufacturier et teinturier

Antoine Jean Beauvisage voit le jour à Paris, le 6 mai 1786. C’est le fils d’un teinturier dégraisseur de la rue Meslay. Petit-fils du sculpteur Coypel, il tient de son grand-père et de sa mère un esprit prompt et sûr.

Ouvrier teinturier à dix-huit ans, sachant à peine lire, écrire et calculer. Il parle à de vieux amis, les Dupré, de la chimie qui donne l’explication des opérations auxquelles il se livre, sans les comprendre.

M. Dupré lui conseille de voir un pharmacien. Mais l’apothicaire pose deux conditions que le pauvre jeune homme  ne peut respecter : un certain nombre d’années d’apprentissage et une somme d’argent pour la pension.

Dans leur désir d’être utiles à leur protégé, les Dupré recherchent une recommandation pour Vauquelin, chimiste déjà réputé. Ils y parviennent et le savant reçoit avec une bienveillance son nouveau disciple. Mais reste à se procurer des livres chers et à payer cent cinquante francs par mois les leçons du professeur.

Beauvisage se demande un instant s’il ne ferait pas mieux de rester un simple ouvrier. Mais un bon camarade lui prête de l’argent et lui-même,

« s’aperçoit de ce dont il ne s’était point avisé jusque-là; c’est-à-dire que deux superbes boucles qui brillaient fort inutilement sur ses souliers de gala pouvaient être converties aisément en bonnes et belles espèces sonnantes. »

Cependant des tracasseries sans cesse renaissantes lui font payer cher à l’atelier le bonheur de ces heures consacrées à l’étude. La Chimie, dit-on, lui tourne la tête et lui fait perdre beaucoup de temps. Son patron le place dans l’alternative de renoncer à ses velléités de science ou de quitter son établissement. Jean Antoine n’hésite pas, il quitte l’atelier.

Une des premières maisons de teinture de Paris, la maison Gonin, lui est ouverte avec empressement. Là,

« sa réputation naissante, sa façon expéditive et consciencieuse de travailler, jointe à quelques essais fort ingénieux lui attirent une certaine considération ».

Antoine Jean Beauvisage va alors à Amiens où l’industrie des tissus et en particulier des alépines a pris un grand développement.

Le patron chez lequel il entre et où il améliore la teinture des alépines ne le récompense pas. Abreuvé d’amertume, il quitte Amiens. Il va à Reims où il apporte aux produits de ce centre industriel de notables perfectionnements.

Les événements de 1803 le ramènent à Paris. Là, il rencontre Ternaux  qui commandite l’intelligent ouvrier. Ce dernier fonde alors sur l’ile de la Cité, un modeste établissement dont les deux cuves lui fournissent le moyen de débuter comme patron.

Jusque-là les mérinos, tissu alors en vogue, ne s’étaient teints qu’en rouge, vert, bleu ou violet. A force de recherches et surtout de persévérance, Antoine Jean Beauvisage parvient à donner à ce tissu les nuances les plus variées.

Sa renommée se répand ; le travail afflue chez lui et il faut qu’il agrandisse ses ateliers et qu’il double le nombre de ses ouvriers. Les anglais réalisent une économie notable et obtiennent dans la teinture en rouge d’excellents résultats par l’emploi de la lack-dye. Mais ils tiennent leur procédé si secret qu’on n’a pu le pénétrer.

La société d’encouragement propose un prix à celui qui doterait la nation française d’un procédé analogue.  Antoine Jean Beauvisage travaille de concert avec Roard, pendant plus d’une année, mais leurs efforts sont vains. Roard abandonne mais lui continue : il trouve enfin le secret et la médaille lui est décernée.

Il ne profite pas seul de ses découvertes. Ses compétiteurs les utilisent d’autant plus facilement qu’il a horreur du monopole en matière de progrès. Ses rivaux

« lui rendent toujours cette justice de reconnaître qu’il leur est supérieur à tous dans l’application de ses procédés, attendu, disent-ils, qu’il les améliore sans cesse. »

En 1824, la décision administrative de percer une nouvelle rue et de l’expulser l’oblige à transporter ses ateliers dans l’île Saint-Louis. A cette même période il crée aussi la teinturerie de Dacurs près d’Amiens (Somme). Cette usine, par le prix moins élevé du combustible et de la main-d’œuvre, lui permet de faire aussi bien en baissant considérablement ses prix.

La terrible époque du choléra (1832) vient stimuler sa sollicitude. Antoine Jean Beauvisage tombe malade. Il décide, si le fléau épargne sa famille, de signaler sa reconnaissance par une bonne œuvre dont ses ouvriers seraient l’objet. Le docteur Ratier qu’il consulte l’aide à réaliser son projet.

Les ouvriers de l’usine sont invités alors à suivre des cours de lecture, d’écriture, de calcul, de français, d’allemand et même de musique vocale. Aucun d’eux n’y est contraint, mais ceux ci font confiance à leur patron et y viennent nombreux.

Le 26 mai 1836, à six heures du matin, les travaux commencent dans les ateliers de l’île Saint-Louis, lorsqu’un message arrive et annonce la mort d’Antoine Jean Beauvisage, la veille. A Villeneuve-sous-Dammartin (Seine-et-Marne), l’essieu de la diligence surchargée où il se trouvait s’est brisé et le coup a été si violent que Jean Antoine est mort sur le coup.

Le surlendemain, l’église de Saint-Louis-en-l’île ne peut contenir la foule des amis et des confrères. Puis tous vont en cortège l’accompagner jusqu’au cimetière.

Il repose avec son fils, Louis Ernest Beauvisage (1816-1869), chef de division à la Caisse des Dépôts et de Consignation,  sa belle-fille, Cécile Augustine, née Tardieu (1826-1897), épouse de Louis Ernest Beauvisage, et son petit-fils, Georges Eugène Charles Beauvisage (1852-1925), professeur à la faculté de médecine de Lyon et sénateur.

Sources : Leclerc (Louis) Jean Antoine Beauvisage – Les Gloires de l’atelier. Date de création : 2009-12-20.

Monument

La sépulture est ornée d’un médaillon en fonte, non signé ni daté, représentant le buste d’Antoine Jean Beauvisage de profil.

Inscriptions :

Antoine Jean BEAUVISAGE, né à Paris le 6 mai 1786, modèle des pères, habile manufacturier, grand citoyen, enlevé à ses nobles projets, par la chute de la diligence où il se trouvait le 25 mai 1836.
Louis Ernest BEAUVISAGE, chef de division à la caisse des dépôts et consignation, chevalier de la légion d’honneur, et des Sts Maurice et Lazare, né le 2 septembre 1816, décédé le 20 février 1869.
Cécile Augustine TARDIEU, Veuve Ernest BEAUVISAGE, née le 1er décembre 1826, décédée le 21 juin 1897.
Docteur BEAUVISAGE Georges Eugène Charles, 20 juin 1852 – 8 avril 1925, professeur honoraire à la faculté, de médecine et de pharmacie de Lyon, ancien sénateur du Rhône, officier de la légion d’honneur.

 

Photos


Date de la dernière mise à jour : 5 septembre 2024