DREYFUS Auguste (1827-1897)
France

"Le roi du guano"

Auguste Dreyfus voit le jour à Wissembourg (Bas-Rhin), le 28 juin 1827. C’est le dixième des douze enfants du marchand juif Édouard Dreyfus (1788-1866) et de son épouse Sara Marx (1791-1865). La famille s’installe à Paris.

En 1858, il rejoint la société commerciale Dreyfus Frères & Cie, une petite maison de commerce, spécialisée dans le négoce des tissus et articles de nouveautés, fondée en août 1852 par trois de ses frères, Prosper, Jérôme et Isidore. Plus tard, l’entreprise décide d’étendre son activité. Elle crée une succursale à Lima, et il part s’installer là-bas pour importer les premières marchandises de France.

Ses frères lui laissent le contrôle de la société, en juin 1869. S’il commence comme un obscur commerçant de pacotille, il fait rapidement le commerce d’objets et de produits de luxe. Il se convertit au catholicisme peu avant son mariage à Lima, le 15 août 1862, avec Sofia Bergman, une Péruvienne.

Le 5 juillet 1869, il décroche ce qu’on nommera le contrat du siècle. C’est le monopole de la vente en Europe de deux millions de tonnes de guano péruvien, d’une valeur de 625 millions de francs, en échange d’un versement de 365 millions. Il signe ce contrat avec le ministre des Finances Nicolás de Piérola Villena.  Il réussit ainsi l’exploit d’évincer un puissant syndicat d’affaires européen conduit par Gibbs & Sons.

La banque Schroders de la City le soutient et se charge de l’émission des emprunts de 1870 à 1872. Mais à cette époque, la situation financière du Pérou est désastreuse. Dreyfus s’engage à assurer le service de la dette péruvienne. Il doit faire des avances de fonds au gouvernement pour un montant de 75 millions de francs la première année et de 67 millions les années suivantes.

L’article 32 du contrat prévoit que le gouvernement hypothèquera tous ses revenus si le guano ne suffit pas à couvrir ces avances. L’accord est ratifié au Pérou le 17 août 1869. L’affaire dépasse cependant ses moyens, aussi forme-t-il, dès le 6 juillet 1869, avec la Société Générale et la mission de négoce internationale Leiden, Premsel & Cie la « participation » ou « syndicat guano », capable de fournir les 60 millions de capital nécessaires à l’amorçage de la pompe. Ses partenaires, eux, apportent, stockent, traitent et écoulent le produit.

Il se retrouve donc à la tête d’une multinationale qui transporte 1,8 million de tonnes de guano, de 1870 à 1880, sur près de 2000 navires battant huit pavillons.
L’enjeu est tel que Dreyfus, qui s’est réservé 60 % des bénéfices nets, devient la cible d’attaques venues de toutes parts. Il se heurte d’abord à la coalition de ses concurrents anglais évincés. Ceux ci obtiennent l’annulation de son contrat par la cour suprême péruvienne en novembre 1869.

Un million de francs de pots de vin sont nécessaires pour obtenir un vote inverse du Congrès en avril 1870. Ensuite s’y ajoutent 850 000 francs dans les mois qui suivent pour conserver la confiance du gouvernement péruvien.

Mais le putsch de l’été 1872 porte au pouvoir un de ses adversaires. Celui ci constate que tous les revenus du guano sont absorbés par le service de la dette, considérablement alourdi par les emprunts de 1870 et de 1872, émis par Dreyfus pour le compte du gouvernement précédent.

En novembre 1873, on bloque les expéditions de guano, mais un arrangement est conclu, le 14 avril 18744. Selon ce dernier, il s’engage à remplir ses obligations jusqu’au 1er janvier 1875, date à laquelle les comptes devront être à l’équilibre. En cas de débit du gouvernement péruvien, il aura le droit d’exporter tout le guano nécessaire au remboursement de sa créance.

Le Pérou négocie en coulisse un contrat concurrent. Il le signe, le 7 juin 1876, avec un financier de la City, Sir Raphaël. Ce dernier, à la tête de la Peruvian Guano Company, devrait prendre la relève de Dreyfus en novembre 1876. Au lieu de composer, Dreyfus choisit l’affrontement. Mais la guerre des prix que suscite son rival affecte la valeur des stocks.

Il cesse de payer les intérêts de la dette péruvienne à compter du 1er janvier 1876. Il est alors attaqué en justice par les porteurs britanniques, et les armateurs s’y mettent à leur tour. Pour finir il se brouille avec la Société Générale, qui l’avait lâché pour apporter son soutien à Sir Raphaël. Il se rapproche du Crédit Industriel et Commercial et de la Compagnie Financière et Commerciale du Pacifique. Ceux ci avaient mis à profit la conquête par le Chili des îles à guano du Pérou pour décrocher un contrat en 1880.

En décembre 1880, sa créance sur l’état péruvien est encore de 3 214 388 £ (soit 81 millions de francs environ). Toutes ses affaires trouvent leur conclusion au prétoire. Cinquante quatre avocats, parmi lesquels Waldeck-Rousseau, plaident pour Dreyfus dans trois groupes de procès :

  • les uns intentés par Dreyfus Frères, appuyés par le gouvernement français, contre les gouvernements péruvien et chilien ;
  • les autres entre membres de la participation guano, marqués notamment par le suicide de Premsel, le 12 novembre 1885, et sa mise en faillite, ainsi que par la démission de Guillaume Denière de la présidence de la Société Générale, en février 1886 ;
  • enfin les actions menées par les sous-participants contre Dreyfus… certains de ces conflits ne trouveront leur conclusion devant les instances internationales qu’à la fin des années 1930.

Il remporte tous ses procès, mais la guerre du Pacifique (1879-1884) met un terme à sa carrière commerciale. Elle retarde aussi de deux décennies l’ajustement de ses comptes avec le gouvernement péruvien.

En France, il est très lié aux républicains. C’est un proche de Jules Grévy, son premier défenseur qui le reçoit, avec sa famille, dans son château de Mont-sous-Vaudrey (Jura). Malgré sa conversion, il est l’une des cibles favorites des antisémites. Ainsi, la Cour refuse par un arrêté d’accorder la nationalité française à l’un de ses fils.

Richissime, il achète, en 1874, un hôtel particulier au 3, avenue Ruysdael à Paris (17ème), donnant sur le parc Monceau. Puis il y réunit une importante collection d’art. Il en fera dresser l’inventaire, publié dix ans plus tard dans le magazine La Nature du 29 octobre 1887 (pp. 344 à 346).

Enfin, en 1888, il acquiert le domaine de Pontchartrain. qu’il fait restaurer et agrandir par l’architecte Émile Boeswillwald. En juin 1896, on vend la collection Dreyfus-Gonzalez de Andia aux enchères à Paris. Elle comprend les quatre candélabres dits « aux sirènes et guirlandes de feuillages » (vers 1783-1784) attribuées au bronzier François Rémond.

Il tombe malade et meurt à Paris le 25 mai 1897.

Sources : Wikipedia. Date de création : 2024-01-28.

Photos

Monument

Le monument est signé par l’entrepreneur Lefebvre. Il comprend, de chaque côté, une couronne mortuaire en bronze, de facture inconnue.

Inscriptions :

(Sur une plaque de bronze en forme de feuille de papier) Léon DREYFUS, mort le 29 janvier 1870, âgé de 42 ans.
Auguste DREYFUS.

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Date de la dernière mise à jour : 17 novembre 2024