René Picardat nous a quittés dans sa cent-quatrième année. Nous l’avons accompagné à sa dernière demeure, dans ce Père Lachaise qu’il aimait tant. A l’APPL, il faisait partie, affectueusement, de « la Vieille Garde ». Il était le « papy » des Langlade, Beyern, Le Roi, presque ses fils spirituels. Moins connu, mais tout aussi célèbre parmi les inconditionnels du cimetière. (Régis Dufour-Forrestier).
René Picardat voit le jour le 19 septembre 1910. Il traverse le siècle et connait deux guerres mondiales. II peut raconter ce que presque plus personne n’a vu ou entendu. Né sous la Troisième République, l’école pour lui s’arrête à l’âge de 12 ans.
Puis, c’est l’apprentissage pendant trois années. A l’âge de 14 ans, René suit des cours du soir avec assiduité, il apprend le dessin industriel. Ensuite, il fabrique avec fierté ses propres outils et sa caisse.
L’entreprise Levassor lui ouvre ses portes. Il travaille à la fabrication de pièces, pour découper, combler, emboutir. Commence alors, proprement dit, sa carrière professionnelle. Comme tout jeune français à cette époque, il fait son service militaire dans l’aviation. Revenu à la vie civile, son travail et ses efforts sont couronnés par des diplômes.
Et c’est la consécration pour tout professionnel amoureux de son métier : ses pairs le désignent meilleur ouvrier de France. Poursuivant son périple, il devient contremaître et est en charge des devis. Un jour arrive l’heure de la retraite, après une vie de travail bien remplie, à 65 ans.
René Picardat aime le sport et il pratique longtemps le rugby. L’âge venu, il fait toujours un footing en parcourant le périmètre du Père Lachaise. René ne se marie jamais. Bon fils, aimant, il se consacre à ses parents qu’il chérit.
Cet inconditionnel et éternel amoureux du Père Lachaise vit pendant 50 ans, rue Ramus au 44. Les fenêtres de son appartement donnent sur le cimetière. De là, il peut voir la sépulture d’Oscar Wilde, le pélican en bronze figé sur son monument, les cheminées du crématorium et les innombrables chapelles émergeants de la verdure.
Sa passion pour le Père Lachaise vient de sa rencontre avec Vincent de Langlade qui l’a initié durant ses recherches dans ce site merveilleux. Puis il visite d’autres cimetières avec Mr Jaquen. A eux trois, ils explorent des nécropoles, posant, sans qu’ils ne s’en rendent contre, les bases de ce qui fait aujourd’hui, le bonheur de milliers de passionnés.
Cette passion, il la fait partager au plus grand nombre, faisant cadeau de son savoir aux touristes et autres personnes arpentant le Père Lachaise. Il n’accepte jamais d’argent, mais demande simplement de lui envoyer une carte postale. Il reçoit des remerciements du monde entier, il y a même un émir tunisien, par l’intermédiaire de son secrétaire, qui lui envoie une lettre pour le remercier !
L’âge venant, il aime aller rejoindre les habitués, la « Vieille Garde », sur le banc près d’Honoré de Balzac, ou chercher une personnalité là où il faut gratter avec de la croûte de pain avec la bande à Collinette.
Le conseil d’administration de l’APPL, en date du 12 juin 2008 et à l’unanimité, décide que René Picardat, membre d’honneur de l’APPL, eu égard aux services rendus bénévolement pendant cinquante années de présence, est élevé au poste de Président d’Honneur à vie. Il décède en 2013.
Sources : Regis Dufour-Forrestier. Date de création : 2008-07-13.