Béatrice, de son vrai nom Charlotte Béatrix, voit le jour le 14 septembre 1864, à l’hôtel Talleyrand, à Paris. C’est la fille du baron Alphonse de Rothschild (1827-1905), grand collectionneur d’art ancien, et de Leonora von Rothschild (1837-1911), de la branche de Londres. Elle grandit dans le plus luxueux domaine du 19ème siècle, celui de Ferrières (Ferrières-en-Brie, Seine-et-Marne). Béatrice y conservera des appartements sa vie durant. Elle vit aussi dans l’hôtel familial parisien de la rue Saint-Florentin, entourée de chefs-d’œuvres.
Le 5 juin 1883, elle épouse, à l’âge de 19 ans, le milliardaire russe Maurice Ephrussi, un ami de ses parents. Celui ci est âgé de 34 ans et issu d’une famille juive d’Odessa qui a fait fortune dans l’exportation de blé et la banque. En raison d’une tuberculose génitale de Béatrice qui a entraîné une stérilité, le couple n’aura pas d’enfant. L’union n’est pas heureuse, Béatrice reprochant à son mari son addiction pour le jeu.
Passionnés d’architecture, de nature et d’art, le couple habite de somptueuses demeures et collectionne les objets d’art rares. Le couple se sépare en 1904. Mais Béatrice, pour des raisons de discrétion – le divorce est mal vu à cette époque -, garde le nom d’Ephrussi.
Au décès de sa mère, en 1911, elle acquiert un terrain à Monte-Carlo et mène un grand train de vie. À Paris, elle réside dans un hôtel particulier du 19 avenue Foch (aujourd’hui l’ambassade d’Angola). D’un caractère difficile, son neveu, Guy de Rothschild, la décrit comme « une jeune fille un peu déchaînée, d’une invivable nervosité ».
À l’instar de son père, régent de la Banque de France, l’un des principaux actionnaires de la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (P.L.M.), membre de l’Académie des beaux-arts, ou de son oncle Alfred, conservateur de la collection Wallace à Londres, Béatrice Ephrussi collectionne œuvres d’art et résidences. De par son parcours, son goût pour le XVIIIe siècle français et l’exotisme, elle s’inscrit dans la lignée des grands collectionneurs d’art de l’époque : Cernuschi, Jacquemart-André, Wallace, Frick, sans oublier de nombreux membres de sa famille (Edmond de Rothschild, Ferdinand de Rothschild (Waddesdon), etc…
Elle prospecte et fait venir par train jusqu’à Beaulieu-sur-Mer des œuvres qu’elle sélectionne sur le quai de la gare. Portant son goût pour l’art à l’extrême, on dit qu’elle achète un jour une chapelle pour n’en retirer qu’une fresque. Elle possède également la « Villa Soleil » et la « Villa Rose de France » à Monte-Carlo. Béatrice marque la littérature de son temps.
L’homme de lettres André Becq de Fouquières écrit :
« Je revois le visage de Mme Maurice Ephrussi, née de Rothschild, un visage aux traits fins encadré de cheveux d’argent. Elle est toujours vêtue de bleu Nattier, un ruban de même couleur retenant ses boucles, un petit fox-terrier » Marche » couché à ses pieds. […] Mme Ephrussi vivait très simplement en dépit de sa grande fortune. On murmurait en effet qu’elle a un grand souci d’économie, cependant il lui arrivait de convier ses amis à de fastueuses soirées et je me souviens d’une nuit d’été, où nous eûmes le privilège de voir, dans les jardins de son hôtel dessinés à la française, et baignés de clair de lune, la Pavlova danser sur des nocturnes de Chopin. »
Béatrice Ephrussi apparaît ainsi dans le Journal d’un collectionneur marchand de tableaux, de René Gimpel, citant l’antiquaire Louis Guiraud :
« Elle n’aime pas régler ses factures. Les frères Allez vendent leurs poêles à bois six cents francs. Elle les achète deux cents car elle a découvert à Nancy, après de longues recherches, l’industriel qui (les) fournit. […] A la Bibliothèque nationale, où elle va pour voir les » singeries » du XVIIIe (qui sont aux Archives nationales), habillée de rose comme toujours, avec un chapeau bleu sur ses cheveux blancs […] le visage comme un vin rosé, très lapin blanc. […] Chez le décorateur Boulanger, elle aperçoit une toile décorative, deux femmes qui dessinent une arabesque – deux mille francs – Je vous l’achète, mais faites-moi peindre des singes à la place de ces femmes. »
Elle décède le 7 avril 1934, âgée de 69 ans, à Davos (Suisse), d’une tuberculose pulmonaire galopante. N’ayant pas de descendance, c’est son frère cadet, le baron Édouard de Rothschild, qui hérite de sa fortune. Elle repose, dans le tombeau familial, avec son grand père, le baron Jacob, dit James, de Rothschild (1792-1868), banquier, son père, le baron Alphonse de Rothschild (1827-1905), banquier, son frère, le baron Édouard Alphonse James de Rothschild (1868-1949), banquier, la femme de celui-ci, Germaine Alice, née Halphen (1884-1975), et le baron Arthur de Rothschild (1851-1903), homme de lettres.
Villa Ephrussi de Rothschild, sur la presqu’île de Cap Ferrat à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Var)
À la mort de son père (1905), Béatrice partage avec son frère une fortune estimée à 700 000 000 €. Elle découvre alors le Cap Ferrat en 1905. Séduite par la beauté du site, elle acquiert sept hectares de terrain rocheux sur la partie la plus étroite de la presqu’île. Pas moins de cinq années de travaux (1907-1912) gigantesques seront nécessaires pour construire cette demeure rappelant les grandes maisons de la Renaissance italienne.
L’architecte Aaron Messiah lui construit la Villa « Île-de-France », ainsi nommée en raison de la forme du jardin principal en forme de pont de navire. Elle impose à ses jardiniers le port du béret de marine, se donnant ainsi l’illusion de vivre entourée d’hommes d’équipage sur un paquebot faisant le tour du monde.
Le terrain est dynamité, arasé et nivelé. La construction peut alors commencer. Elle n’hésite pas à faire réaliser des projets grandeur nature pour s’assurer du résultat final. Elle décide d’entourer la villa de jardins. Après son décès, d’autres jardins à thème seront ajoutés. Aux jardins à la française, japonais, roseraie et jardin lapidaire initiaux, s’ajoutent les jardins espagnol, italien, exotique et provençal. A l’intérieur, elle exige partout le rose, sa couleur fétiche.
Élisabeth de Gramont, sa cousine, l’évoque dans une sempiternelle robe rose – elle portait des robes à panier ! – «semblant partir éternellement pour un bal paré». Elle fait construire une volière dans chacune de ses résidences pour ses centaines d’oiseaux. Elle possède également deux singes et une mangouste, qui dorment sur un siège de style Louis XVI réalisé sur mesure.
Mais elle ne séjourne que très peu dans la villa « Île-de-France » qu’elle délaisse à partir de 1916, à la mort de son mari. Elle la lègue par testament, en 1933, à l’Institut de France avec la totalité de ses très importantes collections d’art réparties dans ses diverses résidences à charge pour l’Institut lui maintenir « l’aspect d’un salon » dans l’esprit des musées Nissim-de-Camondo ou Jacquemart-André sous le statut juridique d’une fondation. La villa-musée est ouverte au public en 1937.
Sources : Wikipedia. Date de création : 2014-04-07.