Monument aux victimes de la Commune, « mur des Fédérés »
France

La semaine sanglante

La Commune et l’esprit de la Commune sont bien présents au Père Lachaise. Ce qui est paradoxal, c’est que le souvenir de la semaine sanglante, divise encore nos contemporains. Le plus grand nombre vouant Adolphe Thiers aux gémonies, mais la répression sanglante a ses partisans : le chef du gouvernement, à leurs yeux, n’avait pas le choix. L’histoire a jugé les victimes et les bourreaux, les militaires et le peuple de Paris. On les a tous réunis ici, dans cet enclos prestigieux, et ils nous appellent au souvenir et au respect. (Régis Dufour Forrestier)

Le Mur des Fédérés est, aujourd’hui encore, un sujet sensible. C’est un haut lieu de la mémoire collective. Il symbolise toutes les luttes pour la liberté, le progrès social et les idéaux de la Gauche.

Au cours de la commune, la dernière semaine de mai 1871, les derniers défenseurs de la Commune de Paris se retranchent dans le cimetière. Ils investissent les hauteurs, transformant la chapelle du duc de Morny (54e division) en réserve de munition. En fin d’après-midi du 28 mai, les Versaillais se rendent maître des lieux après des combats d’une rare sauvagerie, où l’on s’égorge entre les tombes avec l’énergie du désespoir.

Les derniers Communards pris les armes à la main, sont emmenés à la prison de Mazas. On les ramène, le lendemain, au Père Lachaise pour les exécuter. Plusieurs sépultures portent, paraît-il, les traces de ces combats. Les vainqueurs fusillent sans jugement les derniers Communards pris les armes à la main contre un mur appelé depuis le Mur des Fédérés.

On ensevelit les corps des 147 suppliciés dans une fosse provisoire. Ils sont rejoints, peu après, par un millier de corps dans une autre fosse. Le mur que nous connaissons n’existe pas alors. On estime entre 20 000 et 30 000 le nombre des victimes de la répression. C’est le 23 mai 1880, deux mois avant l’amnistie des Communards, qu’a lieu le premier défilé devant le mur.

25 000 personnes défilent à l’appel de Jules Guesde et se pressent devant ce symbole révolutionnaire. Dès lors, chaque année depuis 1880, les partis et organisations de gauche font le traditionnel dépôt de gerbe devant le Mur. Même Jean Jaurès, peu enclin à célébrer la mémoire Communarde, s’y rend à plusieurs reprises.

Le 1er mai, le Grand Orient de France dépose une gerbe au mur des Fédérés et sur les tombes des fédérés célèbres. La plus grande manifestation à ce jour, est celle organisée par les vainqueurs du Front populaire, le 24 mai 1936. Plus de 600 000 personnes y participèrent, en présence de Léon Blum et de Maurice Thorez.

Extrait (du Journal du soir du 25 mai 1908) :

« Dimanche 24 mai 1908 : inauguration du monument d’Eugène Pottier et du terrain concédé aux morts de la Commune. Le comité des proscrits de 1871 a pris, à quatorze heures, possession du terrain que lui a concédé à perpétuité la ville de Paris au Père-Lachaise. Le parti socialiste a profité de cette occasion pour organiser une manifestation et inaugurer le monument élevé à la mémoire d’Eugène Pottier, l’auteur de l’Internationale.

Ce modeste monument se compose de trois blocs de granit. Au-dessus, une branche de chêne en bronze, à travers les feuilles de laquelle se trouve placé un livre ouvert portant d’un côté le nom d’Eugène Pottier, de l’autre le titre de ses principaux chants révolutionnaires : L’Insurgé, Pain noir, la Toile d’araignée, l’Internationale. Trente mètre plus bas, tout à fait dans l’angle des deux murs, se trouve le terrain concédé où reposent les morts de la Commune.

Au mur des Fédérés ont été suspendues de nombreuses couronnes. Le comité y a fait placer une plaque de marbre avec en lettres d’or, cette simple inscription : AUX MORTS DE LA COMMUNE 21-28 mai 1871 Vers 14 h. 1/2, le cortège des manifestants pénètre dans le cimetière du Père-Lachaise par la porte principale.

Il se compose de plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Tous chantent l’Internationale et la Carmagnole. Certains groupes d’étrangers chantent sur l’air de ces hymnes révolutionnaires des poèmes de leurs langues nationales. Chaque manifestant porte à la boutonnière une églantine rouge ou un ruban rouge. Plus de cent couronnes, des gerbes, des fleurs rouges sont portées à bras ou sur des brancards.

Une cinquantaine de drapeaux rouges sont déployés. Sur ces étendards on lit le titre des différentes sections de parti révolutionnaire de Paris et la banlieue at d’associations corporatives. Le défilé a lieu sans incident. Devant la porte du cimetière, se tiennent MM. Lépine, préfet de police, Touny, des commissaires divisionnaires et un certain nombre d’officiers de la paix. Devant le mur des fédérés, le service d’ordre est dirigé par M. Mouquin. Plusieurs groupes de manifestants arrivent ensuite séparément. Ils portent des drapeaux et des couronnes rouges.

Au cimetière, plusieurs discours ont été prononcés, notamment par MM. Allemane et Vaillant, députés. Un seul incident s’est produit. Au moment où M. Faillet, conseiller municipal, socialiste, indépendant, voulait prendre la parole, il a été conspué par les unifiés. La couronne offerte par les socialistes indépendants et leur bannière ont été mises en lambeaux. Une bagarre assez grave s’est produite en plein cimetière et il a fallu pour l’arrêter l’intervention personnelle de M. Lépine. La sortie a eu lieu au milieu de cris divers où l’on remarquait ceux de « A bas Jaurès ! » poussés par les indépendants. »

Sources : Le Journal du soir (25 mai 1908). Date de création : -.

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Monument

Inscriptions : Aux morts, de la Commune, 21-28 mai 1871.

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Date de la dernière mise à jour : 21 octobre 2023