Julie Feyghine voit le jour en 1861. Elle devient actrice de la Comédie Française.
Selon une des versions qui circulent de bouche à oreille, cette jeune femme, au demeurant d’un roux éclatant et fort jolie, a l’idée d’envoyer à son amant de ses cheveux et de sa pilosité. Celui-ci, fort délicat, décline l’envoi et lui retourne avec cette bluette : « les rousses sentent mauvais » (sic).
Toujours est-il que la jeune actrice met fin à ses jours, en 1882.
Extrait (de l’Illustration) :
Les tendances suicidaires de Julie FEYGINE. Mlle Feyghine, de la Comédie Française, a voulu se tuer. Elle s’est tiré un coup de pistolet dans la nuit de dimanche à lundi, à deux heures du matin. La balle l’a atteinte au-dessous du sein gauche. Mlle Feyghine n’était pas chez elle quand elle a pris tout à coup cette résolution désespérée. Elle était chez le duc de Morny. Mlle Feyghine habite un petit hôtel, au numéro 116 de l’avenue d’Eylau, où son installation est loin d’être complète. Samedi, à cinq heures du soir, elle partit avec des malles, accompagnée de sa femme de chambre, comme pour un voyage « Je suis souffrante », dit-elle, à ses gens; un changement d’air me fera du bien. Elle donna l’ordre à la femme de chambre de se rendre chez le duc avec les malles et elle-même alla faire un tour de promenade au bois de Boulogne…
Il paraît qu’elle a comme une mystérieuse vocation pour le suicide. C’est la quatrième fois qu’elle attente à ses jours. Il y a trois ans, elle manifesta la volonté d’entrer au théâtre. Comme elle appartient à une famille non seulement honorable, mais austère, elle trouve chez son père une résistance qui s’explique facilement. Dans son exaltation, elle voulut mourir, elle, qui entrait à peine dans la vie.
Il y a trois jours, elle est descendue dans la cave de son hôtel. Sa femme de chambre l’entendit qui tirait des coups de pistolet. Inquiète, elle s’élança pour rejoindre sa maîtresse. Elle la vit remonter plus calme, plus souriante que jamais, de son beau sourire de sphinx animé et, calmant l’émotion que les détonations avaient excitée chez sa suivante « Je suis descendue à la cave », lui dit-elle, « pour m’assurer si mes cartouches étaient bonnes ».
C’a été un grand désespoir pour Mlle Feyghine que le succès de beauté qui accueillit son apparition à la Comédie Française. On alla jusqu’à dire qu’elle parlait le français comme un Auvergnat, et le mot lui est resté sur le cœur. Son succès de femme n’est rien à ses yeux. Ce qu’elle rêvait, c’est un succès d’artiste…
A sept heures du soir, le duc de Morny en rentrant chez lui, rue de Marignan, y trouve Mlle Feyghine qui venait de sa promenade à l’avenue des Acacias… On causa gaiement. « Je partirai vers le 18 décembre, pour aller en Russie chasser chez le prince Demidoff. » « Avez-vous l’intention de m’emmener ? » Le duc objecta à l’artiste ses engagements envers la Comédie Française et le tort qu’elle ferait à sa carrière d’artiste, à laquelle elle tenait tant, si elle s’éloignait. « C’est bien », dit-elle. La conversation continua, toujours sur un ton de parfaite sérénité …
M. de M. fait préparer un bain dans son cabinet de toilette. Il y entre. Sa baignoire est placée de telle façon que le duc tournait le dos à la glace placée au-dessus de la cheminée. Il fait remarquer à Mlle Feyghine qu’il est deux heures du matin et qu’elle ferait bien de rentrer chez elle. Elle s’approcha de la glace, et il la croyait occupée à mettre son chapeau. Elle se baissa vers lui, l’embrassa sur le front. « Bonsoir », dit-elle.
Au même moment, une détonation retentit. Le duc se précipite hors de son bain. Il voit la malheureuse jeune femme gisant sur le tapis. Il sonne, il appelle; on se précipite sur le corps. Le duc constate la blessure faite par la balle au-dessous du sein gauche. On court chez les médecins. Le duc éperdu jette un peignoir sur ses épaules et se rend chez le commissaire de police des Champs-Elysées, 117 faubourg Saint-honoré. Il est absent. Il s’élance chez un autre, qui, immédiatement le suit et vient interroger la pauvre enfant : «Qui vous a tiré ce coup de pistolet? – Moi-même. – Pourquoi? – J’ai assez de la vie. – Avez-vous un grief contre le duc ? – Aucun. – Avez-vous eu quelque querelle ensemble, auparavant»? – Aucune. – Mais enfin, mademoiselle, quelle raison aviez-vous d’attenter à vos jours? – Je vous le répète, j’ai assez de la vie»…
Dans la nuit arrivèrent les docteur Péan et Lanoix. Circonstance aggravante du péril de la blessée une indisposition naturelle chez la femme empêchait l’emploi de la glace. On sonda. On reconnut le trajet de la balle qui, après avoir longé une côte, est entrée dans l’estomac et l’a traversé de part en part. Il est impossible à toute l’habileté des docteurs de sentir le projectile. Et par conséquent, de l’extraire. Elle rend par la bouche une pleine cuvette de sang, avec de gros caillots noirs…
Sources : L’Illustration (BNF-Gallica) Date de création : 2009-03-31.