Agathe Delamalle voit le jour le 13 octobre 1819, à Garches (Hauts-de-Seine). C’est la petite-fille de Gaspard Gilbert Delamalle (1752-1834), avocat, bâtonnier du barreau de Paris, et la fille de Jean-François Delamalle (1786-1814), auditeur au Conseil d’état. Elle a cinq fils avec Ferdinand de Lesseps : Charles-Théodore (1838-1838), Charles-Aimé (1840-1923), Ferdinand-Marie (1842-1846), Ferdinand-Victor (1847-1853) et Aimé-Victor (1848-1896).
Extrait (de « L’homme de Suez : le roman de Ferdinand de Lesseps » par Pierre Gaspard-Huit) :
« 1836. Chez les Lesseps, à Paris, on fêtait ce soir-là l’arrivée du jeune consul, revenu en France, à l’occasion d’un bref congé.
– Écoutez tous, s’écria Théodore, je vous lis la lettre que mon frère a reçue hier matin. Elle est signée de M. Thiers. On fit silence autour du frère aîné de Ferdinand.
– « J’ai rendu compte au Roi du dévouement dont vous avez fait preuve dans les circonstances où vous vous êtes trouvé lorsque la peste ravageait Alexandrie aussi bien que du zèle habituel que vous apportez dans l’exercice de vos fonctions et je m’empresse de vous annoncer que Sa Majesté, voulant vous témoigner sa satisfaction de votre conduite honorable, vous a nommé Chevalier de la Légion d’honneur. »
Ferdinand de Lesseps, très applaudi, reçut les félicitations de ses proches. Chacun estimait que cette distinction était amplement méritée et que le Gouvernement, en toute équité, s’était honoré en marquant ainsi sa reconnaissance à celui qui l’avait si bien servi. On sabla joyeusement le champagne en l’honneur du nouveau légionnaire et celui-ci dut répondre aux toasts qu’on lui portait par un petit discours de circonstance. Le speech terminé, Théodore, fendant le groupe d’invités qui entourait son frère, lui amena une jeune et fort jolie personne, brune aux yeux bleus.
– Voici Agathe, qui brûlait de faire ta connaissance, dit-il. Ferdinand de Lesseps – Agathe Delamalle. C’est la fille d’une vieille amie de notre mère.
Le jeune homme s’inclina. La grâce, la beauté de la jeune fille firent une grande impression sur lui. Sous sa coiffure à la Sévigné du front mat à la nuque déliée, cette petite tête de volonté était adoucie par l’eau claire du regard, ce nez aquilin aux narines ciselées, cette bouche arquée lui faisaient un masque de princesse orientale. Elle portait sur une jupe largement évasée un corselet lacé de velours nacarat et, sur son épaule nue, flottait une écharpe transparente comme une aile d’abeille. Un simple collier de puntarelle barrait de rose la blancheur de son cou. Orpheline de père, Agathe Delamalle était la petite-fille d’un grand avocat, bâtonnier du barreau de Paris, entré depuis peu au Conseil d’État.
– Les gazettes sont pleines du récit de vos actions d’éclat, dit-elle. J’étais curieuse de voir à quoi ressemblait le héros du jour.
– Exactement à n’importe quel autre homme.
– Pas tout à fait, dit-elle, en secouant la tête. Pour s’entretenir plus à l’aise avec elle, il l’entraîna vers le fond du salon.
– Comment avez-vous fait pour échapper à tous ces dangers ? interrogea-t-elle. Pour toute réponse, Lesseps lui montra le blason de la famille, accroché au mur.
– Nous avons pour armes, dit-il, cet écu d’argent à un cep de vigne de sinople, fruité dans le milieu de deux grappes de raisin de sable et surmonté d’une étoile d’azur. C’est cette étoile que vous voyez ici, qui me porte chance … ma bonne étoile, en somme.
Agathe eut un regard étonné. – Vous êtes superstitieux ?
– Comme un Oriental. J’aime les légendes et dans tous les signes du firmament : arc-en-ciel, météore, étoile filante, je vois des présages … Mais, comme je suis optimiste, je ne crois qu’aux présages heureux. A côté, l’orchestre attaquait une valse viennoise.
– Voulez-vous danser? proposa Lesseps en lui offrant son bras. La jeune fille tendit l’oreille et pouffa de rire derrière son éventail.
– Je vais finir par croire à toutes vos histoires, vous savez, dit-elle en se moquant. Et comme Lesseps écarquillait les yeux sans comprendre.
– Vous ne connaissez pas le morceau que jouent en ce moment les musiciens?
– Non…
– C’est la « Valse à l’Étoile ». Quel augure allez-vous tirer cette fois de cette coïncidence? Pour toute réponse, il l’enlaça.. »
Sources : Moiroux (Jules) Guide illustré du cimetière du Père Lachaise, Paris, 1922 ; Gaspard-Huit (Pierre) L’homme de Suez, le roman de Ferdinand de Lesseps. Date de création : 2019-10-13.