MOULOUDJI Marcel (1922-1994)
France

« Catholique par ma mère, musulman par mon père, un peu juif par mon fils. »

Né d’un père Kabyle originaire de Sidi Aïch en Algérie, Marcel Mouloudji naît à Paris le 16 septembre 1922. Sa mère est bretonne et catholique pratiquante, elle sombre rapidement dans l’alcool et la folie, elle finit par être internée. La famille Mouloudji vit dans un appartement modeste du XIXe arrondissement de Paris.

Le père exerce la profession de maçon, il milite au parti communiste. Marcel le suit aux meetings communistes, parti dont il se sentira toujours proche. C’est un gentil garçon, à onze ans, il décroche un petit rôle dans un film sur «Ménilmontant». Avec son frère André, ils exercent une quantité de petits boulots de rue dont celui de chanteur.

A l’adolescence, il s’inscrit aux Faucons Rouges, association proche du parti communiste. Il y monte avec son frère, un petit groupe. En 1935, il fait la connaissance de Sylvain Atkine, metteur en scène dans le groupe Octobre, association affiliée à la Fédération des Théâtres Ouvriers de France.

C’est là qu’il rencontre des grands noms tels que Jean Louis Barrault ou Roger Blin. Le jeune Marcel est assez doué et le monde du théâtre l’adopte vite. L’homme de lettres Marcel Duhamel l’initie à la littérature et à la poésie et le parraine. Il prend des cours avec Charles Dullin.

En 1936, il joue dans son premier spectacle, «Le Tableau des merveilles», inspiré de Cervantès sur une adaptation de Jacques Prévert. En 1936, il participe à l’immense mouvement artistique solidaire du front populaire et des grandes grèves. Avec beaucoup d’artistes, il joue dans les usines.

Par Jacques Prévert, il rencontre Marcel Carné qui lui donne un petit rôle chantant dans Jenny, en 1936. Il enchaîne alors film sur film. Le plus célèbre reste Les disparus de Saint Agil, de Christian Jaque en 1938. Il n’a que seize ans et est déjà une vedette de l’écran. Au début de la Seconde guerre mondiale, il se réfugie dans le sud de la France, à Marseille en zone libre, avec le Groupe octobre.

C’est là qu’il rencontre Francis Lemarque. Malgré l’ambiance chaotique de l’époque, il peut quand même travailler. Il évite le STO (Service du Travail Obligatoire) grâce à son frère. Mouloudji retourne à Paris où il exerce une foule de petits boulots. Il chante au «Bœuf sur le toit» et découvre le milieu artistique de Saint-Germain-des-Prés.

Cette fréquentation le pousse à écrire un ouvrage de mémoire «Enrico», il reçoit à vingt ans le Prix de la Pléiade à la Libération en 1945. Vers 1947, il se met à la peinture. Il s’intéresse plus particulièrement au chant. Mouloudji chante Boris Vian ou Jacques Prévert dans les cabarets en vogue. Il reste très présent sur les écrans.

Mouloudji tourne dans des films devenus des classiques du cinéma français : «Boule de suif» (Christian-Jaque, 1947), «Nous sommes tous des assassins» (André Cayatte, 1952). Dans «Eaux troubles» de René Calef en 1949, il joue même son propre rôle. Il enregistre son premier disque en 1951, avec quelques titres importants tels «Rue de Lappe», «Si tu t’imagines» et «Barbara».

C’est également à cette époque qu’il monte sur scène pour la première fois, c’est à Bobino. Comme bon nombre de jeunes débutants de l’époque, c’est Jacques Canetti, le fameux agent artistique et maître du cabaret des 3 baudets, qui entraîne Mouloudji vers le succès. Il enregistre le fameux «Comme un p’tit coquelicot», qui obtient un extraordinaire succès. Grâce à ce titre, Mouloudji obtient le Grand Prix du disque en 1953 et le Prix Charles-Cros en 1952 et 1953.

Un autre titre, «Un jour tu verras», tiré du film «Secrets d’alcôve», remporte le même succès en 1954. Pendant la guerre d’Indochine, Mouloudji ne renie pas son engagement de militant pacifiste, ce qui lui procure quelques soucis avec la censure, notamment avec la chanson «Le Déserteur», manifeste antimilitariste écrit par Boris Vian. Il l’interprète malheureusement le jour même de la chute de Dien Biên Phu, le scandale éclate, il devient très vite la cible des politiques et des censeurs de tous poils.

La chanson est interdite d’antenne à l’exception d’Europe 1 qui la diffuse. Par la suite, d’autres de ses titres connaîtront le même sort. En 1955, il tient le haut de l’affiche à l’Alhambra. Bien qu’il soit d’avantage un interprète, il commence à écrire de plus en plus ses propres textes à la fin des années 50. Désormais, la chanson prend la place principale dans sa vie.

Mouloudji fait sa dernière apparition au cinéma dans «Rafles sur la ville» de Pierre Chenal et dans un film hispano-suédois, «Legaron dos hombres». Il signe chez Vogue en 1961, mais il finit par créer sa propre marque de disques sous forme d’une coopérative. Il lance ainsi en 1965, un jeune Néo-zélandais vivant en France : Graeme Allwright.

Mais, il n’a plus le succès qu’il a connu par le passé, en 1966, il monte même un salon de coiffure. Pendant les évènements de Mai 1968, le militant reprend sa place et chante à nouveau dans les usines. Rester intègre et ne pas sacrifier ses convictions à sa carrière est essentiel pour lui. Ayant plusieurs fois subi la censure, Mouloudji écrit sans se soucier de l’effet produit, il sait qu’il sera peu ou pas du tout diffusé en radio.

Il évoque en 1970 dans «Autoportrait», son métissage, «Catholique par ma mère, musulman par mon père, un peu juif» par mon fils, avec une reprise de «Allons z ‘enfants» de Boris Vian, il repart en guerre contre les militaires. En 1974, il enregistre un album consacré aux chants et poèmes de la Résistance. On l’entend aussi sur une compilation de chants ouvriers et sur une autre consacrée à la Commune de Paris en 1871.

Mouloudji participe, en 1974, à un gala de soutien à la gauche chilienne. Il garde un public très fidèle qui lui fait un accueil délirant à chacune de ses prestations scéniques, tel lors de son retour à l’Olympia en 1975. Il continue l’écriture, et enregistre, «Merci la vie» en 1974, «Madame la Môme» en 1975, «Le Bar du temps perdu» en 1977 (Grand prix du disque). Enfin, en 1976, avec Marcel Azzola, il enregistre une «anthologie du Musette», «Et ça tournait» et un disque pour enfants composé avec des textes de Prévert.

En 1980, il sort un album «Inconnus, inconnues». Mouloudji donne d’innombrables concerts peu repris par les médias. Il est fatigué et retourne à ses premières amours, l’écriture et la peinture. Il remonte sur scène à l’Elysée Montmartre en 1987. En 1992, il est atteint d’une pleurésie qui lui enlève en partie sa voix. Il tentera de sortir un album qui n’a pas le temps de voir le jour.

En mars 1994, le festival Chorus des Hauts de Seine l’invite, puis il donne son ultime récital en avril près de Nancy. Mouloudji s’éteint le 14 juin 1994, au Centre chirurgical Henri-Hartmann, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Il avait encore plein de projets : la suite de ses Mémoires et un nouvel album. Il laisse le souvenir d’un homme de conviction, honnête et talentueux et d’un artiste touchant et plein de tendresse.

Extrait (du journal Le Monde du 14 juin 2014) :

 «Le petit Mouloudji, à seize ans, écrit Simone de Beauvoir dans la Force de l’âge, échappait aux disgrâces de l’adolescence. Il avait conservé le sérieux et la fraîcheur de l’enfance. Adopté par Prévert et sa bande (…), il avait acquis à leur contact une culture curieusement bigarrée : c’était étonnant ce qu’il savait, ce qu’il ne savait pas. Familier depuis longtemps de la poésie surréaliste (…), il découvrait Alexandre Dumas et s’en émerveillait.

Enfant du Paris populaire de l’entre-deux-guerres, petit vendeur de journaux et de fruits abîmés de la rue du Faubourg-du-Temple, il est l’enfant prodige d’une génération marquée par le Front populaire, la Libération, l’existentialisme, Saint-Germain-des-Prés, puis la guerre d’Algérie. Depuis une quinzaine d’années, Mouloudji vivait en retrait à Suresnes, et sa maison était peuplée de chats.

Drôle, généreux, c’était un amateur au regard jamais émoussé, un séduisant touche-à-tout. Chanteur, écrivain, peintre, ses qualités lui avaient permis de côtoyer toutes les facettes du monde culturel depuis les années 30. Sartre, Aragon, Cocteau, Duhamel, Adamov, Prévert, Vian ont été parmi ses intimes.»

Pour écouter la complainte de la Butte

Sources : -. Date de création : 2006-02-26.

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Monument

Inscriptions :

Marcel André MOULOUDJI 1922-1994 et son petit-fils Paul HOSTACHI 28.03.2001.

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Date de la dernière mise à jour : 31 mars 2022