(Céline) Marie Regnault, dite Régine de Montille, nait à Châlons-en-Champagne (Marne). Elle décède le 17 mars 1887, à Paris, victime d’un crime sanglant qui défraie la chronique. C’est l’affaire du « Triple assassinat de la rue Montaigne ». Celle ci occupe les médias français de l’époque durant plus d’un mois et conduit finalement à l’exécution de Pranzini.
Régine de Montille traverse les moments forts de l’Histoire de France du XIXe siècle. Sous Napoléon III, elle s’enflamme aux côtés des républicains à l’enterrement de Victor Noir. Elle lutte contre les Versaillais, en participant à la Commune de Paris sur les talons de Clemenceau et Louise Michel. Au fort d’Issy-les-Moulineaux bombardé, elle soigne les blessés. Lors d’un séjour en Bavière, elle rêve d’être aimée de Louis II.
Des hommes illustres s’éprennent d’elle, jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Pranzini. Henri Pranzini, lui, est né à Alexandrie en Égypte. Séducteur oriental aux yeux langoureux, élève brillant, il connait huit langues. Il assiste à l’inauguration du canal de Suez. Aventurier, soldat, il entre dans l’Armée des Indes et fait la guerre en Afghanistan. Il offre, un temps, ses services aux Russes, puis va combattre au Soudan avec les Anglais.
Homme d’action, trafiquant, Pranzini traverse les continents toujours à l’affût de l’affaire du siècle. Parieur, joueur, bourreau des cœurs, ce « chéri magnifique » collectionne les amours féminines, jusqu’à sa rencontre à Paris avec la riche et célèbre Régine de Montille. Alors, quand l’assassin et sa victime se croisent, commence une affaire criminelle inouïe.
Extrait (de Pierre Larousse : Histoires abominables, 48 affaires criminelles du XIXe siècle) :
« 17 mars 1887. Le Crime de la rue Montaigne.
Depuis bien longtemps, aucun crime n’avait autant passionné l’opinion publique que celui du « Triple assassinat de la rue Montaigne ». Régine de Montille, en réalité Marie Regnault, était une courtisane qui avait acquis une fortune grâce aux « pensions » versées par ses amants.
A la tête d’une véritable fortune en titre et bijoux, elle vivait confortablement à Paris au 17, rue Montaigne (aujourd’hui rue Jean Mermoz) avec sa femme de chambre, Annette Gremeret, et la fille de celle-ci, âgée de douze ans; sa cuisinière couchait au cinquième étage.
Ce 17 mars, celle-ci descendit comme d’ordinaire par l’escalier de service et constata que la porte de la cuisine, la seule dont elle eût la clé, était verrouillée à l’intérieur ; malgré ses appels, la femme de chambre ne venant pas lui ouvrir, elle alla prévenir la police ; un serrurier ouvrit la principale porte d’entrée de l’appartement.
Dans l’antichambre, Annette Gremeret gisait inanimée, la gorge coupée d’un effroyable coup de couteau ; la petite fille avait été assassinée dans son lit ; enfin, dans la chambre à coucher, on trouva le cadavre de Marie Regnault, égorgée également d’un coup terrible.
La position du corps, les bras tendus vers un cordon de sonnette, les yeux grands ouverts et gardant une saisissante expression de terreur, indiquaient de quelle façon le crime avait été commis : réveillée en sursaut au moment où elle allait être frappée, Marie Regnault avait eu le temps de se jeter à bas du lit et de tirer le cordon de la sonnette.
Elle était tombée sur le tapis, la gorge coupée. Le meurtrier, redoutant l’arrivée de la servante, s’était élancé au-devant d’elle et l’avait frappée sur le seuil même de la porte de la chambre. Enfin, l’enfant ayant dû pousser des cris, il avait ajouté cette troisième victime aux deux autres.
La similitude des blessures montrait qu’elles avaient été faites avec la même arme et par un seul meurtrier. Celui-ci s’était emparé des bijoux que portait Marie Regnault, une bague ornée d’un gros diamant, deux solitaires montés en pendants d’oreilles, une montre en forme de cœur, etc., en plus d’une somme d’argent déposée dans une tirelire en porcelaine, qu’il avait brisée. Mais il n’avait pu réussir à forcer le coffre-fort, où se voyaient des empreintes de mains sanglantes, et qui renfermait pour 150 000 ou 200 000 francs de diamants et de valeurs. »
Extrait (de l’hebdomadaire Ric et Rac, édition du 24/03/1934) :
« Henri Pranzini — car c’était lui le coupable — ne devait pas jouir longtemps de ce que lui avait procuré son forfait. II avait fait preuve, dans la préparation et l’exécution du crime, d’une audace inouïe, d’un sang-froid prodigieux. Aussitôt après, il s’affola, perdit la tête et multiplia les imprudences.
A diverses personnes, il parla du drame de la rue Montaigne, à une heure où aucun journal n’en avait encore fait mention. A sa vieille amie, Mme Sabatier, il fit presque des aveux. Enfin, il commit la folie de donner plusieurs des bijoux de Régine de Montille dans un bouge de la rue Ventomagy, à Marseille.
Arrêté le 30 mars, au théâtre de Marseille, traduit devant la Cour d’assises de la Seine, Pranzini nia tout avec obstination. « Je ne suis pour rien dans cette affaire », répondait-il invariablement.
Mme Sabatier, quoique désireuse’ de sauver la tête de Pranzini dut reconnaître que la nuit du crime Pranzini n’était pas chez elle. Pranzini soutint jusqu’au bout qu’il était, à ce moment, avec une femme du monde qu’il ne voulait pas compromettre.Condamné à mort, en dépit des efforts de Me Démange, il fut guillotiné le 31 août 1887 devant la prison de la grande Roquette. »
Céline Marie repose avec sa sœur Louise, institutrice et soutien de la Commune de Paris (1849-1886).
Pour lire sa biographie sur le site du journal Le Bien Public http://www.bienpublic.com/faits-divers/2014/01/19/une-chalonnaise-a-paris-destin-fatal
Sources : « Le crime de la rue Montaigne », in Le journal Le Gaulois (19/06/1887) ; Bauer (Paul) Deux siècles d’histoire au Père Lachaise, cimetière et nécropole de Paris, Paris, 2006, p. 222. Date de création : 2016-02-28.