ISOU GOLDSTEIN Isidore (1925-2007)
Roumanie

Créateur du lettrisme (1945), d’origine roumaine

(Jean) Isidore Isou Goldstein voit le jour le 29 janvier 1925, à Botosani (Roumanie), dans une famille juive. Il est formé par un père sévère et ambitieux. Enfant surdoué, il se passionne pour les œuvres des grands auteurs de la littérature et de la philosophie. Selon son témoignage, il lit Dostoïevski à treize ans, Karl Marx à quatorze, Proust à seize.

En 1942, à seize ans et demi, il a l’intuition d’un nouveau système poétique et musical. A la lecture d’une phrase de Keyserling : « le poète dilate les vocables », une erreur de traduction le conduit à confondre « vocable » avec « voyelle », comprenant ainsi, en roumaine, que « le poète dilate les voyelles ».

Aussitôt, il rédige le « Manifeste de la poésie lettriste », dont il dira que

« réalisant l’universalité, nous créons une internationalité égale pour toutes les langues indifféremment de leur importance. Le profit et la perte de chaque nation étant égaux, nous réussirons à réaliser le vieux rêve de toute poésie. Que la poésie devienne transmissible n’importe où et qu’elle surpasse. La poésie lettriste, la première vraie internationale ».

Il énonce aussi les lois d’une méthode de création qu’il appellera la Créatique ou la Novatique (1942-1976). C’est avec elle qu’il redéfinit et transforme à peu près tous les domaines de la culture, des sciences aux arts. Fuyant la Seconde Guerre mondiale, en compagnie de Serge Moscovici, il s’établit définitivement à Paris. Il arrive clandestinement en août 1945,  à Saint-Germain-des-Prés, après un périple périlleux de plusieurs semaines à travers l’Europe.

Dans sa valise, figurent les manuscrits de ses premiers ouvrages. Il rencontre alors des personnalités du monde intellectuel, Pierre Albert-Birot, André Gide, Tristan Tzara ou André Breton, par exemple. Le 8 janvier 1946, Isidore Isou organise avec Gabriel Pomerand, son premier disciple, la première manifestation lettriste. C’est le point de départ du groupe qui s’organisera autour de lui.

Pour publier « Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique », il obtient le soutien de Raymond Queneau et de Jean Paulhan. L’ouvrage paraît à La Nouvelle Revue française (NRF), en avril 1947. Ses idées pour la musique et la poésie autant que pour l’esthétique marqueront des générations d’artistes.

A la suite d’un scandale organisé au Théâtre du Vieux Colombier, lors de la représentation d’une pièce de Tristan Tzara, Gaston Gallimard accepte de publier, en octobre 1947, un roman prenant la forme de « mémoires », « L’Agrégation d’un Nom et d’un Messie ». Georges Bataille, dans sa revue Critique, en parle dans des pages aussi belles que grinçantes :

« La vie du jeune Isou est celle de tout adolescent pourri de littérature (et d’innombrables connaissances), mais projeté à travers le monde par une impudence qui bouscule et veut bousculer : Isou est infiniment grossier, sans mœurs et sans raison. »

La matière autobiographique de cette Agrégation vise  à créer un personnage parfait, réussi et vivant. Suivront de nombreuses publications : Le surréalisme et André Breton (1948), L’économie politique et l’érotologie (1949), Les arts plastiques (1950), Le roman et la prose (1950), Le cinéma (1951), Le théâtre (1952). Celles ci révèlent le désir de transformer radicalement la société. Il s’appuie sur les concepts d’« externité » (la jeunesse) et de créativité généralisée.

En 1951, en marge du Festival de Cannes, a lieu la projection de « Traité de bave et d’éternité ». Une des principales originalités de ce film est dans la dissociation de la bande-son et de la bande-image. Jean Cocteau en réalise l’affiche. C’est à l’occasion de cette projection que Guy Debord rejoint le mouvement lettriste. Il le quittera en 1952 pour fonder l’internationale lettriste, puis le mouvement situationniste.

Son œuvre cinématographique compte une vingtaine de réalisations. En 1954, « La Marche des jongleurs », l’une de ses premières pièces, est montée par Jacques Polieri au théâtre de Poche. Parallèlement, il anime le groupe lettriste au Salon Comparaisons. Là, il se lie avec les peintres Andrée Bordeaux-Le Pecq, Rodolphe Caillaux et Maurice Boitel. En 1965, il enregistre le rituel somptueux pour la sélection des espèces.

En 1950, il invente l’hypergraphie, basée sur l’organisation esthétique de lettres et de signes. Ensuite, il crée l’Art Infinitésimal, basé sur des particules esthétiques imaginaires (1956) et l’Art Supertemporel, basé sur la participation infinie du public (1960). Enfin, il imagine l’excoordisme, basé sur les extensions et les coordinations de formes concrètes, imaginaires, ou inimaginables (1991-1992).

En peinture, il est l’auteur de nombreuses œuvres, depuis sa série de toiles « Les Nombres » de 1952 jusqu’à ses œuvres excoordistes de 1991. Il est connu aussi pour ses fameux objets de « méca-esthétique » de 1960 et 1962, qui sont reconstitués en 1987 sous l’impulsion d’Éric Fabre, mécène et collectionneur, lors d’une rétrospective.

Son œuvre romanesque se développe autour des « Journaux des Dieux », roman « hypergraphique » où les mots se mêlent aux dessins et aux signes. Il est aussi l’auteur d’un « Essai sur la définition, l’évolution et le bouleversement total du roman et de la prose » (1950).

S’ensuivront deux autres romans hypergraphiques : « Initiation à la Haute Volupté » (1960), et « Jonas ou Le corps à la recherche de son âme » (1984). Avec « Introduction à une esthétique imaginaire » (1956), il définit un art basé sur l’imagination. Cela inspirera les expressions conceptuelles des années soixante et soixante-dix. Dans le domaine économique, son « Traité d’économie nucléaire, Le Soulèvement de la jeunesse » (1949), met en évidence les forces novatrices qui animent les sociétés.

Cet ouvrage combat un système scolaire sclérosé qui véhicule les idées héritées de l’humanisme ou du marxisme. Il propose des réformes parmi lesquelles la nécessité d’accorder à tous les jeunes un crédit de lancement. Il veut aussi instaurer la rotation systématique des hommes politiques aux postes de responsabilité.

Sa méthode de création, La Créatique ou la Novatique (1941-1976), lui permet d’investir le champ des sciences humaines, avec le « Manifeste pour une nouvelle psychokladologie et une nouvelle psychothérapie » (1971). Il se mêle aussi des sciences exactes avec l’ « Introduction à un traité de mathématiques » (1964), « Introduction à la géométrie para-stigmatique » (1979), « Fondements pour une nouvelle physique », suivis de « Fondements pour une nouvelle chimie » (1987).

Grâce à ses efforts et à ceux de ses nombreux disciples, la « dictature lettriste » survit à tous les groupes éphémères ou néo-dada. Naturalisé français dans les années 1980, Isidore Isou s’éteint le 28 juillet 2007, à 82 ans. Les commissaires de la manifestation Dadada 1916-2006 réaffirment que :

« la recherche lettriste d’Isou exercera par la suite une influence déterminante sur les théorisations et expérimentations futures de la poésie concrète, visuelle en en anticipant les contenus mêmes».

Œuvres :

  • Fondements pour la transformation intégrale du théâtre (1952) ;
  • Esthétique du cinéma (1952).

Sources : Wikipedia. Date de création : 2015-01-29.

Monument

Photos


Date de la dernière mise à jour : 18 août 2023