Jean-Baptiste Dumay nait en 1841 au Creusot (Saône-et-Loire). C’est le fils posthume d’un maître mineur bourguignon mort au fond, à la suite d’un coup de grisou, dans une mine de charbon de la société Schneider. Très tôt, l’enfant se montre rétif à la discipline des établissements scolaires Schneider et, tout en même temps, lecteur passionné. En 1854, impatient de quitter l’école, il entre à moins de treize ans aux usines du Creusot, comme apprenti mécanicien-tourneur.
Ayant conservé son goût de la lecture, il ressent violemment le caractère abrutissant d’une formation limitée à l’acquisition de routines. Il fréquente un instituteur révoqué par le régime impérial et un ancien déporté de décembre 1851. À 18 ans, chassé pour avoir poussé ses camarades d’apprentissage à la revendication, il entreprend un Tour de France. Celui ci le conduit à Paris et dans le sud du pays par Dijon, Lyon et Marseille, afin de se perfectionner dans les grandes entreprises métallurgiques.
En 1860, le tirage au sort le contraint à cinq ans et demi de service militaire. Il sert d’abord à Cherbourg, puis à l’arsenal de Rennes, à Lyon et enfin à Saint-Etienne. Il regagne sa ville natale en 1868. Dumay anime alors le Cercle d’études sociales. C’est un groupe de jeunes ouvriers, d’artisans et de petits commerçants qui milite pour le rétablissement de la République et, localement, contre l’omnipotence de la famille Schneider.
Tourneur, en 1870, il organise avec Adolphe Assi les grandes grèves qui paralysent les ateliers puis les mines, en janvier et mars. Cependant, malade, il doit laisser la direction du mouvement à son camarade. Il se lie d’amitié avec Benoît Malon, alors envoyé spécial de La Marseillaise et auteur d’articles sur les grèves du Creusot. Celui ci identifie en lui une « capacité ouvrière ».
Avec l’aide d’Eugène Varlin, il participe à la création au Creusot, le 18 mars 1870, d’une section de l’Association internationale des travailleurs dont il devient le secrétaire-correspondant. Lors du plébiscite du 8 mai 1870, qui vise à faire approuver les réformes libérales et du même coup à consolider l’Empire face à l’opposition républicaine, le « non » pour lequel Jean-Baptiste Dumay fait campagne l’emporte très largement au Creusot. Le direction de l’usine le met alors à pied.
Le mois suivant, il est lourdement battu par Henri Schneider à l’élection du conseil d’arrondissement. En juillet, après la déclaration de guerre à la Prusse, il se rend à Paris pour rencontrer les dirigeants de l’Internationale et participer avec eux aux manifestations pacifistes. Le 8 août, il organise à son tour une manifestation de la section du Creusot : cette action lui vaut d’être définitivement renvoyé de l’usine. Lors de l’élection municipale qui suit, c’est la liste d’Eugène Schneider qui l’emporte.
Mais l’installation du nouveau conseil municipal, le 2 septembre, ne précède que de deux jours la chute de l’Empire. Eugène Schneider, président du Corps législatif dans le régime défait, s’exile en Angleterre. Au Creusot, républicains et conservateurs s’affrontent pour le pouvoir local vacant. Les premiers multiplient les réunions publiques et animent le Comité de défense nationale où la lutte contre les Prussiens s’organise selon les directives de Léon Gambetta, Ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire.
Dumay en prend la présidence. Le 24 septembre, le nouveau préfet, sous la pression populaire, le nomme maire provisoire du Creusot. Il ravitaille les armées du Centre qui viennent se battre près de Dijon, protégeant le Creusot. Il organise aussi, dans sa ville, une Garde nationale ouvrière. Face à la menace prussienne, il prône avant la lettre une forme d’union sacrée :
« Trêve de divisions parmi nous, les hasards de la guerre peuvent amener l’ennemi aux confins du département et, ce jour-là, il nous faudra marcher tous ensemble et faire preuve de fraternité. »
Mais il doit faire face aux menées des dirigeants de l’usine qui tentent de le déconsidérer aux yeux de Gambetta. Le conseil municipal, simple émanation de l’état-major de Schneider, est resté en place. Une délégation de la société convainc le Ministre de l’Intérieur que seul son maintien pourrait préserver la production d’armes face à l’agitation révolutionnaire. Les quelques mesures sociales que propose le nouveau maire sont systématiquement rejetées.
En 1871, Jean-Baptiste Dumay demande et obtient de Giuseppe Garibaldi, avant qu’il ne quitte Dijon, environ 4000 fusils et autant de kilogrammes de munitions qui lui permettent d’équiper la Garde nationale. Lors des élections législatives, il figure sur la liste républicaine. Celle ci est plébiscitée au Creusot par 77% des suffrages. Mais c’est la liste conservatrice qui l’emporte dans le département grâce au soutien massif du vote paysan.
Le 26 février, des troubles éclatent en ville. Le gouvernement Thiers envoie des troupes. Le 12 mars, on révoque le commissaire de police et on le remplace par son prédécesseur nommé sous l’Empire. Le maire proteste énergiquement auprès du Ministère de l’Intérieur et obtient l’annulation de la nomination. Le 19 mars, Dumay fait une conférence aux ouvriers d’une fabrique de limes à Arnay-le-Duc (Cote-d’Or). C’est là qu’il apprend le soulèvement, la veille, de la population parisienne contre le gouvernement Thiers.
Le lendemain, le Comité républicain-socialiste du Creusot décide, pour le 26 mars, une revue de la Garde nationale et une manifestation en faveur du mouvement parisien. Le 25, Albert Leblanc, envoyé en province par le Comité central de la Garde nationale de Paris, appelle les Creusotins à proclamer la Commune, à l’exemple de Paris, Lyon et Saint-Étienne. Le 26, sur la place de la mairie, le face-à-face entre gardes nationaux et soldats de ligne tourne à la fraternisation aux cris de « Vive la République ». Le colonel retire ses troupes.
Jean-Baptiste Dumay proclame alors, depuis une fenêtre du premier étage de la mairie sur laquelle on a hissé le drapeau rouge :
« Je ne suis plus le représentant du Gouvernement de Versailles, je suis le représentant de la Commune du Creusot ».
Dans la nuit, le maire envoie les gardes nationaux occuper la gare, le télégraphe et la poste. Mais ceux ci trouvent les trois établissements déjà tenus par la troupe. Le matin du 27, le préfet, le parquet et un renfort de mille soldats arrivent par le train. Les réunions sont interdites et des mandats d’arrêt sont lancés contre les meneurs du mouvement. On disperse les manifestations de soutien à Dumay et à la Commune. Pourtant la proclamation est répétée plusieurs fois, le drapeau rouge est de nouveau hissé. Mais le 28, l’ordre est définitivement rétabli. Les dirigeants du Comité républicain-socialiste parviennent pour la plupart à gagner Genève. On en emprisonne certains. Jean-Baptiste Dumay reste caché au Creusot.
L’élection municipale du 30 avril voit Dumay, toujours dans la clandestinité, s’opposer une nouvelle fois à Henri Schneider. Il s’en faut de seize voix que sa liste ne passe tout entière au premier tour. Mais l’usine renvoie opportunément une centaine d’ouvriers avant le second. Ceci aboutit, le 10 mai, à l’élection de tous les candidats de Schneider. Henri Schneider restera maire 25 ans. Après l’écrasement de la Commune de Paris, Jean-Baptiste Dumay rejoint ses camarades exilés en Suisse.
Les 28 et 29 juin, la Cour d’assises de Chalon juge vingt-deux Creusotins inculpés pour excitation à la guerre civile. Elle condamne Dumay, par contumace, aux travaux forcés à perpétuité. À Genève, il fonde avec Benoît Malon et Jules Guesde la Section de propagande et d’action révolutionnaire socialiste, qui prendra le parti de Bakounine et adhérera à la Fédération jurassienne. Il participe à la percée du tunnel ferroviaire du Saint-Gothard. En 1880, on amnistie les communards. Jean-Baptiste Dumay rentre en France.
Il retourne d’abord au Creusot où il crée la Fédération ouvrière de Saône-et-Loire. Celle ci vise à rassembler les militants des chambres syndicales avec ceux du jeune Parti ouvrier. Il lance une grève à Montceau-les-Mines. Jean-Baptiste Dumay est bientôt frappé d’interdit par tout le patronat du département, en même temps débordé par les attentats des anarchistes de la Bande Noire. Il part alors s’installer à Paris, à la fin de 1882.
En 1884, Dumay se présente une première fois à l’élection municipale dans le quartier parisien de Belleville, sous les couleurs du possibilisme. Mais le conseiller sortant, Braleretil, le devance. En 1887, il se représente dans le même quartier. On l’élit à l’hôtel de ville de Paris où il siègera jusqu’en 1890, dans la fraction socialiste. Élu local puis national, il est impliqué dans les évolutions et les conflits qui traversent le mouvement ouvrier français et international.
En 1899, il participe au congrès de Paris qui marque la naissance de la Deuxième Internationale. Il est présent également au congrès de Bruxelles en 1891. Jean-Baptiste Dumay est l’un des deux députés à la Chambre de la Fédération des travailleurs socialistes de France. Il se range du côté des allemanistes qui, en rupture avec la direction broussiste, vont constituer, en 1890, le Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire.
Lors des élections législatives de 1893, il ne se représente pas à Paris. Il démissionne de son parti pour se porter candidat, comme socialiste indépendant, dans la première circonscription de Saint-Étienne. Le candidat opportuniste Oriol le devance au premier tour et le bat au second. La mairie de Saint-Ouen Dumay l’embauche alors comme comptable. Puis, en 1896, il devient régisseur-comptable de la Bourse du travail de Paris, sur proposition de la Commission du travail du Conseil municipal.
Il occupera cette fonction jusqu’à sa retraite en 1906. Il est, au début de la Première Guerre mondiale à Chelles, où il aurait organisé la mobilisation de la population face à l’avancée des troupes allemandes. Jean-Baptiste Dumay meurt à Paris, le 27 avril 1926, à 85 ans.
Sources : Wikipedia. Date de création : 2009-11-24.