Mireille Albrecht nait à Rotterdam (Pays-Bas), le 21 juin 1924. C’est la fille de la résistante Berty Albrecht. « Ne t’apitoye jamais sur ton sort » est le leitmotiv qui accompagne la vie de Mireille, et qui lui est inculqué par sa mère. Son père, Frédéric Albrecht est un allemand d’origine hollandaise, installé en Afrique du Sud, après la deuxième guerre.
Sa mère, Berty Albrecht, née Wild est marseillaise d’origine Suisse, qui renie très tôt son milieu bourgeois et part avec son mari vivre à Londres. Plus tard, elle s’engage aux côtés des luttes sociales, milite pour le droit des femmes et le droit à l’avortement, et par la suite devient une figure exceptionnelle de la Résistance. Elle se pend dans sa cellule à la prison de Fresnes, après avoir été torturée pendant deux jours.
Mireille passe son enfance à Londres, où elle est élevée avec son frère aîné Freddy par une gouvernante. Elle apprend à parler l’anglais avant le français, et elle gardera toujours une grande tendresse pour Londres et la culture anglaise : « Marcher dans les rues de Londres me ressource » dit-elle. Ses parents font construire une villa dans le Midi de la France. C’est là que Mireille développe son amour de la Provence.
A Londres, l’engagement social de sa mère pose problème et son mari en craint les conséquences sur sa vie professionnelle. Ses parents finissent donc par se mettre d’accord : afin que Berty puisse continuer à s’engager, elle ira s’installer à Paris avec les enfants, et son mari viendra les voir deux fois par mois. Commence donc la vie parisienne de Mireille. Elle n’aime pas les études. Sa mère reçoit dans son salon des intellectuels de gauche, des artistes, des écrivains, des politiciens de gauche, ce qui la fait passer pour une « dangereuse » communiste, ce qu’elle n’est pas.
Mireille reçoit une éducation typique de la haute bourgeoisie. Lorsque la guerre éclate, Berty entre, naturellement, en résistance et Mireille âgée de 15 ans suit le mouvement. Elle parvient d’ailleurs à faire échapper sa mère emprisonnée. A Lyon, elle cache trois enfants juifs, malgré l’étroite surveillance dont elle est l’objet. Juste avant la deuxième arrestation de sa mère, Berty est hébergée avec Mireille dans la famille Gouze, à Cluny (Saône-et-Loire).
C’est là qu’elle devient amie avec Danielle, qui sera plus tard Danielle Mitterrand. Sa mère arrange la fuite de Mireille en Suisse pour éviter de la mettre en danger. Mireille se retrouve chez de lointains cousins qui a font travailler, malgré son état de faiblesse, comme fille de ferme pour payer son hébergement. Après-guerre, Mireille retourne à Paris. C’est la folle époque de Saint-Germain-des-Prés.
Elle vit en bande, fait de la radio, traîne dans les clubs de jazz, rencontre Boris Vian. Léo Ferré tombe fou amoureux d’elle, mais il ne lui plait pas. Elle tombe amoureuse d’un homme qui meurt pendant le tremblement de terre d’Agadir. Elle finit par épouser un camarade. Mais le mariage ne tient pas, et elle part rejoindre son père en Afrique du Sud. Sur le bateau, elle rencontre Charles Hills, un grand, beau et distingué anglais, qui vient de divorcer et qui part tenter sa chance en Afrique du Sud.
Charles est ingénieur dans la Royal Air Force, mais il démissionne après la guerre. Elle tombe sous le charme… Elle tombe également enceinte, et son père n’étant pas d’accord pour qu’elle fasse sa vie avec Charles, le jeune couple décide de rentrer en France. Ils s’installent à Paris, et n’ont pas un sou. Les amis de Mireille se cotisent pour qu’elle puisse accoucher à la clinique du Belvédère à Boulogne Billancourt où elle accouche sous X, n’étant pas encore divorcée de son premier mari.
Elle épouse Charles un an après la naissance de leur fille, Chilina. Mireille et Charles décident de s’installer dans le Midi. Charles fait de l’immobilier, Mireille s’occupe de sa fille et fait chambre d’hôtes en été. Elle engage une jeune femme, Fanette, pour s’occuper de Chilina. Fanette devient un membre de la famille, et participe à toutes les activités professionnelles du couple. Charles et Mireille tiennent un Pub anglais à Sainte Maxime (Var), puis un restaurant de curry indien (Pub et curry sont à l’époque inconnus en France) et montent un restaurant « Fish and Chips » anglais à Saint Tropez (Var) que Brigitte Bardot fréquente.
Plus tard, ils s’installent à Aix en Provence où ils montent une galerie d’art (la galerie Fontenaille). Cependant, le caractère particulier de Charles rend la vie de Mireille au quotidien très difficile. Lorsque sa fille part à Londres à l’âge de 19 ans, elle décide de divorcer et vient s’installer à Paris. Elle y ouvre une boutique d’antiquités d’Extrême-Orient, rue Bonaparte. Sa boutique devient le lieu de rendez-vous du Paris marginal et original : artistes, homosexuels, réfugiés, et femmes seules !
Elle noue une relation privilégiée avec sa fille qui s’installe à Paris et découvre sa mère sous un angle qu’elle n’avait jamais vu : une femme forte, drôle, originale, généreuse, dynamique, et saisissante de personnalité. Elle écrit deux livres à la mémoire de sa mère, « Berty » et « Vivre au lieu d’Exister ». Son dernier livre, « les oubliés de l‘ombre » retrace les actions risquées de résistants dont les noms ne seront jamais connus. C’est aussi l’époque où Mireille se prend de passion pour l’Inde, qu’elle visite une première fois lors du voyage officiel du président Mitterrand.
Ce pays est une véritable révélation. Indira Ghandi l’invite personnellement à prendre le thé avec elle en tête à tête … et le perroquet d’Indira Ghandi. Près de Pondichéry, elle découvre Auroville, cette ville bâtie par des pionniers suite à la vision de Sri Aurobindo et de sa femme française, surnommée Mère, « d’un laboratoire vivant de l’unité humaine ». Elle trouve enfin la philosophie spirituelle qui lui convient.
De retour en France, elle devient membre du Conseil Economique et Social où elle tente de promouvoir les relations franco-indiennes. Mais hélas, sa vision est trop précoce, malgré sa connaissance de Monsieur Tata, le plus grand businessman indien, qui l’apprécie. Elle continue à aller régulièrement en Inde et vit les 25 dernières années de sa vie dans un petit studio rue du Faubourg Saint Antoine, entourée d’amis fidèles, fumant d’horribles petits cigares dont elle tente de couvrir l’odeur en faisant bruler de l’encens.
Elle décède à Paris le 25 septembre 2007, à 83 ans, en trois mois d’un cancer fulgurant.
Distinctions : chevalier, officier de la Légion d’honneur (ne figurant pas dans la Base Léonore car trop récent).
Œuvres :
- Les Oubliés de l’ombre, éditions du Rocher (2007) ;
- Vivre au lieu d’exister, éditions du Rocher (2001) ;
- Berty (Albrecht), Ed. Robert Laffon (1988).
Sources : Base Léonore (Légion d’honneur). Date de création : 2009-10-04.