Philippe (Joseph Benjamin) Buchez voit le jour le 31 mars 1796, à Matagne-la-Petite (Belgique, dans la province de Namur), mais ses parents habitent Paris. Son père, qui se distingue par ses idées avancées, perd au retour des Bourbons la place qu’il a à l’octroi. Buchez suit les cours d’histoire naturelle au Jardin des plantes. En même temps, il est employé à l’octroi et étudie la médecine, alternant entre les dissections à l’amphithéâtre et les discussions politiques.
Il milite dans les milieux d’extrême gauche. En 1820, avec Saint-Amand Bazard, Pierre Dugied et Nicolas Joubert, il fonde la loge maçonnique « Les amis de la vérité ». En 1821, il tente de soulever les départements de l’Est, dans les Vosges, pour renverser les Bourbons. Mais on l’arrête à Metz et on le conduit à Colmar où il passe devant les assises. Le juge Goldberg qui prend plaisir à causer d’histoire et d’archéologie avec le détenu Buchez, se montre compréhensif. Il s’en sort sans trop de mal.
Avec Saint-Amand Bazard, Flottard, Pierre Dugied, Nicolas Joubert et quelques autres, il figure parmi les fondateurs de la Charbonnerie française. Celle ci compte jusqu’à 80 000 membres en 1822 ; il en devient l’un des principaux animateurs en France. Reprenant alors ses études médicales, il est reçu docteur en 1824, peu après avoir publié un Précis élémentaire d’hygiène.
Il devient le principal rédacteur du Journal du progrès des sciences et institutions médicales. Il y insère des articles sur l’organisation de la médecine. Après avoir lu le Nouveau christianisme de Saint-Simon en 1825, Buchez se déclare Saint-Simonien. Se séparant de Bazard et des rédacteurs du Producteur, auquel il collaborait, il fonde avec Flocon, Thierry et Léon Pilet, le Club des Amis du peuple. Mais les autorités en font fermer les portes le 25 septembre 1830.
Peu après, retournant à la foi chrétienne, il abandonne les idées Saint-Simoniennes, dont il n’accepte pas le panthéisme. Il devient le défenseur d’un néo catholicisme qu’il place à la base de ses théories politiques. Buchez publie le Journal des sciences morales et politiques (1831), qui devient bientôt L’Européen. Il tente de concilier la doctrine catholique orthodoxe avec les théories les plus démocratiques.
Malgré sa défiance à l’égard du gouvernement de l’Église, il est l’initiateur du mouvement social-chrétien. Il tente de réaliser l’association ouvrière de production. Mais, en opposition avec les tentatives communistes de Robert Owen et l’organisation saint-simonienne, les groupements qu’il fonde n’ont qu’une durée assez courte. Néanmoins, celui des bijoutiers en doré survit jusqu’en 1873 sans avoir connu une grande extension.
Sous la monarchie de Juillet, il acquiert une grande notoriété, tant dans le monde catholique que parmi les démocrates et les républicains, avec son Introduction à la science de l’histoire, ou science du développement de l’humanité (1833). Il y déclare que le fondement de la morale est une donnée théologique. C’est-à-dire un dogme et il attaque l’égoïsme des gouvernants qui ne cherchent que leur intérêt particulier.
Buchez publie aussi son Essai d’un traité complet de philosophie du point de vue du catholicisme et du progrès social (1830). Il publie ensuite L’histoire parlementaire de la révolution en 40 volumes (1834-1840), compilation de débats d’assemblée, d’articles de journaux, de motions de clubs. Il entrecoupe le tout de commentaires dans lesquels il expose longuement ses idées.
En septembre 1840, Buchez fonde un journal, L’Atelier, « organe des intérêts moraux et matériels des ouvriers », qui paraît jusqu’en juillet 1850. Il y développe un plan de réforme de la société fondé sur l’association ouvrière. Ces associations, qui sont des coopératives ouvrières de production formées sur la base d’un capital inaliénable et indissoluble, doivent, selon lui, en se propageant, permettre de rassembler un « capital ouvrier » global sur lequel la classe laborieuse pourra s’appuyer.
Leur généralisation poserait les fondements d’une rénovation de la société par l’Associationnisme. Mais ce plan ne connait qu’une application très limitée, avec la création, en 1834, de l’Association des ouvriers bijoutiers en doré. Après la révolution de février 1848, à laquelle il ne prend pas part, et l’instauration de la République, Louis Antoine Garnier-Pagès le choisit comme adjoint à la mairie de Paris. Buchez s’occupe alors activement de la garde nationale et de la mise sur pied des Ateliers nationaux.
Élu représentant de la Seine (le 17e sur 34) le 23 avril 1848, il devient président de l’Assemblée (5 mai-6 juin). Ceci fait de lui le premier président d’une assemblée française véritablement élue au suffrage universel. Son discours inaugural est ambitieux, mais sa présidence effective ne dure qu’une huitaine de jours. Tous les partis s’accordent à reconnaître que son passage au fauteuil présidentiel a été peu brillant.
Pendant les journées de juin 1848, ulcéré par les luttes fratricides entre l’armée et la garde nationale, commandée par le général Cavaignac, ministre de la guerre, et les ouvriers, il refuse de porter les armes et, s’il monte sur les barricades, c’est pour soigner les blessés. Son échec aux élections législatives de mai 1849 marque la fin de sa courte carrière d’homme politique. Opposant à Louis-Napoléon Bonaparte, il est même arrêté le 2 décembre 1851, avant d’être rapidement relâché.
Pendant l’Empire, il retourne à ses études, se consacre notamment à la rédaction d’un Traité de politique et science sociale. Seul et oublié, il s’éteint à Rodez (Aveyron) le soir du 11 août 1865, à 69 ans. Son corps est ramené à Paris, où on l’enterre dans le caveau de la famille Maillard, le 16 aout 1869. Ayant laissé son dernier ouvrage à l’état de manuscrit, ses amis le publient en 1866.
Sources : Robert (Adolphe), Bourloton (Edgar), Cougny (Gaston) Dictionnaire des parlementaires français, 1789 1891, Bourloton éditeur, Paris, 1891, tome 1, p. 524-525. Date de création : 2009-09-14.
